devise

emblématique et héraldique à la fin du Moyen Âge

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soleil rayonnant

Soleil aux rayons ondoyants (Radia Magna) ou Rais de soleil

Période
1390-1402
Aires géographiques
Italie, Lombardie
Personnage
Jean Galéas Visconti
Famille
Visconti

Cette devise semble avoir été initiée par Jean Galéas comme le prouve sa présence sur la rose de l’abside du Duomo de Milan dont la construction débute en 1385 sous le principat du duc qui s'impose comme le principal promoteur de cette colossale emprise[1]. La représentation d’éléments liés à l’emblématique princière à cet endroit précis de l’édifice - qui constitue souvent le point d'orgue des signes de prééminence - était surement prévue dès les années 1390 quand, le plan d’ensemble de la cathédrale fixé, Jean Galéas projette de transformer la chapelle axiale en mausolée personnel et familial. 

En 1393, il confie à Giovanni de’ Grassi le dessin de la fenêtre qui devait faire office de diaphragme entre la chapelle seigneuriale et le cimetière, destiné à l’aristocratie milanaise, qui aurait dû être crée juste au nord. Ce projet fut toutefois contesté par la fabrique et en 1401 Jean Galéas fut obligé d'y renoncer, conservant toutefois la construction de la grande fenêtre, sur la base du dessin fourni par Filippino degli Organi[2]. Les motifs emblématiques qui devaient y apparaître sont encore objet de débats. Entre 1401 et 1402, la Fabrique demande encore au duc quelles emblèmes il compte y faire figuer et donne finamement son accord, le 28 mai 1402, pour la réalisation d’une « radia » formée par onze guivres rayonnantes (« cum caudis undecim »), dans la fenêtre centrale du chœur (« de medio ecclesiae ») selon la forme qui était propre à la devise du seigneur (« in forma et prout divisa nostri ill. mi Domini »), avec une « colombella » (« alias proprie cum colombella »)[3]. Le décor actuel de la maîtrrsse vitre ne correspond que partiellement à ce projet mais acceuille, en son centre, une imposante Radia Magna ainsi que les armoiries concédées au prince par Wenceslas et Charles VI  et celles de son lignage[4].

L’utilisation par Jean Galéas de cette devise, dans sa forme simple, c'est-à-dire sans l'ajout de la tourterelle en son centre -  est confirmée par le décor de deux manuscrits réalisés peu avant 1395 et caractérisés par une très riche ornementation emblématique liée au futur duc de Milan (Firenze, Biblioteca Nazionale, Ms. Banco Rari 397 et Ms. Landau-Finaly 22)[5]. Parmi les nombreuses pages enluminées, signalons celle avec l’Annonciation à Anne et la Rencontre à la Porte dorée, dont le cadre présente, sur la droite, la devise du soleil rayonnant insérée dans un écu – comme ce sera le cas lors de l'offrande chevaleresque de son cortège funéraires  – accroché à un arbre et surmonté par un des cimiers du prince (Florence, Biblioteca Nazionale, Ms. Banco Rari 397, f. 23r).

Cette « radia magna » pourrait évoquer la magnificence de Jean Galéas[6], créé premier duc de Milan par l’empereur Wenceslas IV en 1395[7]. L’ensemble des princes de la maison Visconti et Sforza firent usage de cette figure[8] qui s'associe parfois à la devise de la tourterelle seule (Colombina)

Il faut également souligner la possible proximité de cette devise avec l'emblème de l'ordre de l'Etoile fondé en 1361 par le beau-père de Jean Galéas,  le roi de France Jean le Bon. Ses successeurs, de Charles VI à Louis XII conserveront l'usage de cette devise du soleil rayonnant et cet emblème se retrouve dans les panoplies emblématiques des frères de Charles V. Les rois de France donnent à cette devise le sens symbolique de la justice divine, celle du Christ, soleil de Justice.

Un proche de Jean Galéas Visconti, Bertrando Rossi, est d'ailleurs figuré avec cette devise, portée en pendant de collier et chargée en son centre - à l'instar de l'Etoile de l'ordre de Jean le Bon - d'une rondelle d'azur chargée de la tourterelle, occurence qui laisse penser que Jean Galéas a pu recevoir, par délégation, le pouvoir de conférer l'Etoile ou qu'il s'est fortement inspiré de l'ordre de son beau-père pour créer un "ordre" analogue. D'autres occurence du partage de l'étoile sont documentées en Italie (voir par exemple le seigneur de Beccarai dans le Livro de Aurautos, Manchester, John Rylands lib.).

 Image

Bertrando Rossi (+1396) en prière devant la Vierge. détail de son livre d'heures peint vers 1388 (Paris, Bnf, Ms. Lat. 757)

 


[1] Voir. BOUCHERON P., Le pouvoir de bâtir. Urbanisme et politique édilitaire à Milan (XIVe-XVe siècle), Rome, 1998, p. 163-165.

[2] Ibid., p. 190-191.

[3] « Providerunt quod radia perfitienda et laboranda in fenestra de medio ecclesiae perficiantur cum caudis undecim, et alias proprie cum colombella, et alias in forma et prout est divisa nostri illustrissimi Domini, et sicut per eundem proprie defertur, nihil addendo nec diminuendo vel corrigendo, etiam quod arma seu insignia nostri Domini praefati in dicta fenestra laboranda fiant per modum zimeriorum et non solum cum scutis », avec confirmation datée de 30 mai 1402: « Per l’affare de la fenestra, diserunt et deliberaverunt quod radium cum collumbella seu tortorella secundum divisam nostri illustrissimi Domini perficientu, seu ordinatum fieri debere in straforio fenestrae, juxta formam designati magistri Filippini de Mutina […] » : Annali della frabbrica del Duomo di Milano dall’origine fino al presente, Cantù C., Mialn 1877-1885, t. I, p. 249 (cité par BOUCHERON P., « Von Alberti zu Macchiavelli : die architektonische Formen politischer Persuasion im Italien des Quattrocento », Trivium, 2 (2008) < http://trivium.revues.org/2292#ftn95>).

[4] TASSO F., « Documenti sul Duomo e Gian Galeazzo Visconti. Tra ingegneri della cattedrale e artisti di corte », Il Duomo di Milano, incontro di studio, Sacchi Landriani G., Robbiati Bianchi A., éd., Milan, 2013, p. 31-50, à p. 35-36 et note 9, à voir au sujet de la réalisation de cette « raza »; elle pense que l’oiseau représenté au-dessus de la « radia » serait une aigle, symbole du pouvoir du duc.

[5] KIRSCH E.W., Five illuminated manuscripts of Giangalleazo Visconti, London, 1991, p. 87-92. Plus tardives et successives à la mort du duc sont celles reproduites d’une façon obsédante à la chartreuse de Pavie, dont en donnent notice CAMBIN G., Le rotelle milanesi. Bottino della battaglia di Giornico 1478. Stemmi, imprese, insegne, Fribourg, 1986, p. 450-451, figg. 62, 96, 243 et MASPOLI C., « Stemmi e imprese viscontee e sforzesche », Stemmario Trivulziano, Id. éd, Milan, 2000, p. 27-44, à p. 35.

[6] MASPOLI C., « Arme et imprese viscontee sforzesche I », Archives héraldiques suisses, 110 (1996), p. 132-158, à p. 156-157 et ID., « Stemmi e imprese viscontee e sforzesche », Stemmario Trivulziano, Id. éd, Milan, 2000, p. 27-44, à p. 35. 

[7] Hlavacek I., « Wenzel (IV.) und Giangaleazzo Visconti, in Reich, Regionen und Europa », Mittelalter und Neuzeit. Festschrift für Peter Moraw », Heinig P.-J. éd., Berlin, 2000, p. 203-226.

[8] MASPOLI, « Arme et imprese viscontee sforzesche I ».

Bibliographie

MASPOLI C., « Arme et imprese viscontee sforzesche II », Archives héraldiques suisses, 111 (1997), p. 27-38.

MASPOLI C., « Stemmi e imprese viscontee e sforzesche », Stemmario Trivulziano, Id. éd., Milan, 2000, p. 27-44.

CAMBIN G., Le rotelle milanesi. Bottino della battaglia di Giornico 1478. Stemmi, imprese, insegne, Fribourg, 1986.

TASSO F., « Documenti sul Duomo e Gian Galeazzo Visconti. Tra ingegneri della cattedrale e artisti di corte », Il Duomo di Milano, incontro di studio, Sacchi Landriani G., Robbiati Bianchi A., éd., Milan, 2013, p. 31-50.

Hlavacek I., « Wenzel (IV.) und Giangaleazzo Visconti, in Reich, Regionen und Europa », Mittelalter und Neuzeit. Festschrift für Peter Moraw, Heinig P.-J., Berlin, 2000, p. 203-226.

BOUCHERON P., « Von Alberti zu Macchiavelli : die architektonische Formen politischer Persuasion im Italien des Quattrocento », Trivium, 2 (2008) < http://trivium.revues.org/2292#ftn95>.

KIRSCH E.W., Five illuminated manuscripts of Giangalleazo Visconti, London, 1991.

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