houblon
une branche de houblon avec feuilles et fleurs
- Période
- 1380-1420
- Aires géographiques
- France
- Personnage
- Jean Ier de Bourgogne
- Famille
- Bourgogne
- Devises associées
- houblon
- Mots associés
- ICH HALTZ MICH, ICH SWIGHE
- Couleurs associées
- vert/noir/blanc
La devise du houblon associée au mot ICH HALTZ MICH et aux devises du rabot et du chapeau berruyer sur Le livre de l’information des princes peint pour Jean sans Peur (Bruxelles, KBR, Ms. 9475, fol.1)
Une branche de houblon avec feuilles et fruits (v. 1385 ? (1392) - 1419†).
A l’occasion du « voyage de Bretagne » de 1392, Philippe le Hardi fait réaliser pour Jean sans Peur, alors comte de Nevers et âgé de 21 ans, une jaque de velours vermeil brodée d’argent de Chypre d’une branche de houx et d’une branche de houblon[1]. Les comptes ducaux nous révèlent les vêtements, bannières, étendards et tentures réalisés pour la croisade de Hongrie en 1395 à la tête de laquelle le duc de Bourgogne place son aîné Jean, nommé « sans Peur » suite à sa conduite héroïque à cette occasion. Le décor est alors dominé par le houblon. Les devises du comte de Nevers sont encore d’argent en raison de son statut d’écuyer mais le duc le pourvoit en fils d’or destiné à broder sa devise lorsqu’il sera armé chevalier comme cela est prévu pendant l’expédition[2].
Cette devise domine l’emblématique du comte de Nevers jusqu’à l’apparition du rabot qui ne fait pas pour autant disparaître le houblon, conservé par Jean sans Peur jusqu’à la fin de sa vie, même si il porte occasionnellement d’autres devises, le chêne de son père, les brebis et l’aubépine de sa mère, le genêt du roi, en particulier avant la constitution de son propre hôtel en 1398[3].
Vers, 1385, au moment de son mariage, Jean sans Peur accompagne le houblon d’un mot. Selon Henri David, il s’agirait déjà, d’après le décompte des lettres, du mot ICH HALTZ MICH. Pourtant, dans les sources, ce mot reste davantage associé au rabot (voir cette devise).
Outre les comptes[4], cette devise apparaît encore sur de nombreux supports comme la porte sculptée de la Chartreuse de Champmol, la voûte de l’escalier de la Tour Jean sans Peur à Paris où s’entremêlent chêne, aubépine et houblon, des manuscrits[5], le tombeau du duc à Dijon, des jetons de partisans, des pièces[6], d’orfèvrerie comme la célèbre coupe conservée à Karlsruhe, sans doute un vestige des présents d’étrennes de Jean sans Peur (†1419). Cette coupe à couvercle, citée dans l’inventaire de Philippe le Bon en 1420 et dans un inventaire de Charles le Téméraire[7], est entièrement poinçonnée aux devises utilisées par le prince après 1405, le houblon et le rabot (voir ci-contre)[8].
Le sens probable de cette devises est à trouver dans la pharmacopée médiévale. Le houblon est en effet connu pour favoriser le sommeil. Son association avec les mots HICH HALTZ MICH ou ICH SWIGHE – je me tais – semble alors assez évidente. Cette devise peut signifier le positionnement politique du jeune prince qui, par opposition au mot Y ME TARDE de son père, indique par là qu’il attend son heure. Celle de prendre la tête de la puissante principauté et celle de trouver sa place dans le concert des princes qui entourent Charles VI. Pratiquement et graphiquement, le houblon est aussi une liane fructifère qui se faufile dans les autres végétaux au point de les dominer, comme le souligne la voûte de la Tour Jean sans Peur, reflet de la politique du comte de Nevers : discrétion et persévérance.
Soulignons encore que le houblon, comme le blé, est peut-être un symbole de la prospérité qu’un duc peut espérer apporter à ses états, ou une des ressources du Nivernais. En effet, le houblon était utilisé pour stopper la fermentation de la bière, la stabiliser et la purifier. Jean sans Peur concède le premier des statuts au métier des brasseurs et favorise l’usage du houblon dans cette boisson. Au milieu du XVe siècle, la corporation des brasseurs de Gand utilise cette figure dans sa devise[9]. Dans cette même fonction le houblon peut également porter un sens spirituel de purification.
La devise du houblon figurée sur le Deckelpokal de Karlsruhe
Le mot ICH SWIGHE« je me tais », ICH SINGHE « je chante » associé au houblon dans les marges du Livre des Merveilles peint pour Jean sans Peur vers 1413 (Paris, BNF, Ms. Fr. 2810, fol. 226)
Les branches de houblon associées au rabot et au niveau sur la houppelande du duc Jean sans Peur (Le livre des merveilles, Paris, BNF, Ms. Fr. 2810, fol. 226)
Notes
- ↑ DAVID H., Philippe le Hardi, duc de Bourgogne et co-régent de France. Le train somptuaire d’un grand Valois, Dijon, 1947., p. 19.
- ↑ Ibid., p. 35 et suiv et SCHNERB, 1988.
- ↑ DAVID, 1947, p. 77.
- ↑ LABORDE L. comte de, Les ducs de Bourgogne, étude sur les lettres, les arts et l’industrie pendant le XVe siècle, Paris, 1849, t. I., compte de 1411-12, article 22 : « A Jehan Mainfroy, orfèvre, pour une grant quantité de pampes de houbelons faites pour servir sur une heucque et sur un chaperon de vert brun brodé de feuilles, faites pour Mds », compte de1412, articles 153 à 156 : vêtements brodés de branches de houblons, annelets, feuilles et besants, article 198 : « A Jehan Mainfroy orfèvre...pour avoir fait et livré... le IIIIe jour d’avril l’an MCCCC XII pour le jour de Pasques ung collier d’or...fait de feuillies et de fleurs de houbelon... », article 201: « pampres de houblons pour broderies pour le duc et Mgr le comte de Charolois ( Philippe le Bon) ».
- ↑ Bruxelles, KBR, Ms. 9475, fol. I., et Le livre des merveilles, Paris, B.N., Ms. Fr. 2810, fol. 226, vers 1410-1412.
- ↑ BRUNA D., Les Enseignes de pèlerinage et les enseignes profanes au Musée national du Moyen Age, Paris, 1996, n° 543, p. 282.
- ↑ « I hannap d’argent blanc couvert cizelé à feuillages et raboz, a ung fritelet doré », Paris, BN, Ms. Colbert 127 et LABORDE, t. II, Paris, 1851, p. 53.
- ↑ A. S., « Deckelpokal », dans Das Goldene roessl, ein Meisterwerk der Pariser Hofkunst um 1400, Munich, 1995, Kat. II2, p. 268-270.
- ↑ Statuts de la corporation du métier des brasseurs de Gand, Gand Oudheikundig Museum van de Bijloke, Inv. 456, fol. 8, vers 1453.
Bibliographie
SCHNERB B., Jean sans Peur, Paris, 2005.
SCHNERB B., L'État bourguignon, Paris, Perrin, 2005.
SCHNERB B., Les Armagnacs et les Bourguignons, la maudite guerre, Paris, 1988.
HABLOT L. « La devise, un signe pour les princes de la fin du Moyen Age », La création artistique en France autour de 1400, dir. E. Taburet, Paris, 2006, p. 177-192.
HABLOT L., « Ordres et devises des ducs de Bourgogne », Catalogue de l’exposition Le temps des princes des fleurs de lis. L’art à la cour de Bourgogne, 1364-1419, Dijon, 2004, p. 81-83.
HABLOT L., « Les signes de l’entente. Le rôle des devises et des ordres dans les relations diplomatiques entre les ducs de Bourgogne et les princes étrangers de 1380 à 1477 », Revue du Nord, n° 345-346, t. 84 avril/septembre 2002, p. 319-341.
PASTOUREAU M., « Emblèmes et symboles de la Toison d’or », L'ordre de la Toison d'or de Philippe Le Bon à Philippe Le Beau (1430-1505), idéal ou reflet d'une société ?, Bruxelles, 1996, p. 99-106.
KOVACS E., L’âge d’or de l’orfèvrerie parisienne au temps des princes Valois, Dijon, 2004.
SLANICKA S., Krieg der Zeichen. Die visuelle Politik Johanns ohne Furcht und der armagnakische-burgundische Bürgerkrieg, Göttingen, 2002.
AVRIL F., « Le Livre des Merveilles, manuscrit français 2810 de la bibliothèque nationale », Marco Polo, Le livre des Merveilles, AVRIL F., GOUSSET M.-T. et TESNIERE M.-H. éd., Tournai, 1999, p. 197-223.