devise

emblématique et héraldique à la fin du Moyen Âge

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Toison d’or

Une toison de bélier d’or associée à la devise du fusil

Période
1430-1470
Aires géographiques
France
Personnage
Philippe III de Bourgogne
Famille
Bourgogne
Devises associées
toison d’or

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Une toison de bélier d’or associée à la devise du fusil

 L’ordre de la Toison d’or que fonde Philippe le Bon à Bruges le 10 janvier 1430, à l’issue du tournoi tenu après son mariage avec Isabelle de Portugal, est sans conteste le produit d’un riche héritage - Michel Pastoureau parle de « préhistoire de l’ordre » -, celui d’un système emblématique rôdé, développé et efficace. Qu’est-ce qui justifie sa particularité par rapport aux colliers de livrée fondés par son père et son grand père ?

 La lecture détaillée des sources invite tout d’abord à remettre en cause la singularité de l’ordre au moment de sa fondation. Il ne semble pas que Philippe le Bon ait souhaité créer autre chose qu’un collier de livrée semblable à ceux en usage dans les autres cours princières européennes de la période. En témoignent le fait qu’il soit créé à l’issue d’un tournoi et donné aux membres de la compaignie du prince et l’absence de statuts dans un premier temps. En revanche, fort des expériences de ses prédécesseurs, Philippe le Bon aura voulu un ordre qui fonctionne et prenne dès sa fondation les moyens de se maintenir dans la durée et en prestige. L’étude des ordres contemporains permettait de cerner aisément les écueils qui limitaient la valeur de la plupart d’entre eux : statuts inexistants et absence de numerus clausus. Seuls la Jarretière et le Collier de Savoie, qui justement fixaient des règles précises et limitaient le nombre de leur membres, jouissaient d’un prestige important et conservaient une réelle fonction.

 Philippe le Bon n’innova que par l’analyse qu’il su faire de cet outil politique en intégrant dans son ordre, plus d’un an après sa fondation, tous les éléments qui lui garantissait une réelle utilité au sein de son duché et des autres cours européennes.

 Suivant le processus de dépréciation des signes, les vêtements à la devise et aux couleurs avaient progressivement été abandonnés aux serviteurs et le collier était devenu le support courant des devises princières. Comme les autres princes, Philippe le Bon y intégra sa devise personnelle, le fusil. La toison n’a peut-être été d’abord qu’une référence aux brebis paternelles (voir Jean sans Peur). Comme toute les devises, celles de Philippe le Bon ont très vite été l’objet de multiples interprétations qu’on laissait sciemment se développer en vue d’accroître leur prestige, quitte à reprendre et étoffer les plus valorisantes. Plus l’on glosait sur une devise, plus elle était connue. Les deux traits particuliers de la Toison d’or sont la référence à la mythologie antique et non plus à la Table Ronde et la propagande sans précédent dont l’ordre a été l’objet.

Il n’a jamais été question, du temps de sa fondation, de distinguer l’ordre de la Toison d’or des devises et des colliers de livrée distribués depuis près d’un siècle par la plupart des princes Européens. Ce n’est qu’en 1500 qu’Olivier de La Marche, dans son Epitre pour tenir et célébrer la noble fête du Toison d’Or[1], entreprend de différencier l’ordre de son seigneur Philippe le Beau des autres ordres en usage à cette époque. Il y distingue les devises, distribuées « à plusieurs chevaliers, dames et damoiselles et escueirs » des ordres avec statuts. Dans la première catégorie, il range l’ordre du Croissant de René d’Anjou, l’ordre du Camail de Charles d’Orléans, l’ordre de l’Espy ou de l’Hermine de François II de Bretagne, l’Epée de Chypre, l’Hermine de Sicile, la Jarre d’Aragon et même l’ordre de Saint-Michel. Seuls la Jarretière, le Collier de Savoie et la Toison d’or peuvent, selon lui, être considérés comme des ordres à proprement parler.

Pour lui, l’ordre de son maître « est le principal parement de vostre maison et l’honneur que vous devez maintenir et exaucer et rebouter ceulx qui le vouldroient reculler ou estaindre, car par ce moien vous et voz confrères aurez et avez en plusieurs grans et notables aliances fraternelles, comme Empereurs, Roys, ducz, contes, barons et chevaliers de haulte et grande renommée ».

 La plupart des historiens des ordres de chevalerie comme M. Boulton, ont considéré, à la suite d’Olivier de La Marche, la Toison d’or comme une structure de référence permettant de distinguer d’une part les ordres à proprement parler, c’est-à-dire ceux qui peuvent être comparés à la Toison d’or, et d’autre part les autres société chevaleresques que l’on ne sait finalement pas trop comment qualifier : « prétendus ordres », « pseudo-ordres ». Philippe le Bon ne semble pas s’embarrasser de telles distinctions. Son principal souci est, dans un premier temps, la clause posée dans les statuts de 1430 qui interdit aux membres, y compris le chef de l’ordre, de détenir un autre ordre, gênant considérablement la fonction diplomatique de la Toison d’or « Item, que les freres et chevaliers dudit ordre a entrer en Icellui devront lassier et laisseront tout autre ordre se aucun en avoient, soit de prince ou de compaignie ». Cette clause, qui n’existait jusque là pour aucun autre collier de livrée européen, pos rapidement problème dans la mesure où elle rend impossible le contre-don de devises qui annule la notion de service pour ne conserver que l’idée d’alliance. Ainsi, en 1433, Jean de Vergy, pour devenir chevalier de la Toison d’Or, est sommé par un chapitre de l’ordre, de quitter l’ordre de la Souche du duc de Bedford. Pourtant ni les ordres évoqués par les statuts de 1430, ni l’ordre de la Souche, pourtant loin de répondre à la définition de l’ordre donnée par Olivier de La Marche, ne sont alors considérés comme des devises inférieures à des ordres. La correction apportée à cet article des statuts au sixième chapitre, à Saint-Omer en 1440, va permettre de rendre à l’ordre son rôle diplomatique vis-à-vis des princes étrangers. A partir de cette date la Toison d’or ne cessera plus d’être utilisée à la fois comme marque de clientèle et comme monnaie d’échange ou comme récompense diplomatique tandis que les ducs conserveront le fusil comme devise personnelle.

 Avant l’abrogation du statut restrictif, Philippe le Bon avait déjà offert son ordre à plusieurs seigneurs étrangers. Parmi ceux ci on peut citer les comtes de Dammartin, de Saint-Pol, de Ligny, le prince d’Orange, élus au chapitre de 1430 ; Frédéric, comte de Meurs élu en 1431 et le comte de Vineburg élu en 1433. Jacques Paviot a ainsi étudié les orientations diplomatiques des différents chapitres de l’ordre[2]. Après les alliances au nord de l’Europe, objet des ambitions territoriales bourguignonnes, le duché se repositionne, à l’occasion du sixième chapitre, comme principauté française, conséquence du traité d’Arras de 1435. En 1440 Philippe le Bon offre la Toison d’or à Charles d’Orléans qui rentre de captivité, grâce aux soins du duc, et qui est l’époux de sa nièce Marie de Clèves. En retour le duc d’Orléans lui offre son ordre du Camail marquant la trêve entre les deux maisons. En 1455, Marie de Clèves, épouse de Charles d’Orléans offre même « une garniture d’un cordeau de chappeau, fait à la devise de Ms de Bourgoigne, que ma dicte dame a pareillement donné à Mds de Bourgoigne... ». La même année sont élus Jean V, duc de Bretagne, qui offre sans doute en retour son ordre de l’Hermine et de l’Espy,  Jean, duc d’Alençon et pair de France et Matthieu de Foix, comte de Comminges. Au septième chapitre, le duc resserre ses alliances européennes. En 1445, Philippe le Bon offre la Toison d’or à Alphonse V d’Aragon qui, après de longues négociations qui imposent une modification des statuts et l’élection de deux chevaliers aragonais, accepte l’ordre et lui donne en échange l’ordre de la Jarre en 1445 (l’un des deux étant mort, un Napolitain est élu à sa place). L’année suivante, Alphonse V offre l’ordre de l’Etole et de la Jarre à des ambassadeurs bourguignons, sans doute en compensation de ses exigences. En 1451, l’ordre est donné à, Jean, duc de Clèves ; en 1456, le duc offre le collier à des parents :  Jean, comte d’Etampes, Adolphe de Clèves, seigneur de Ravenstein et Jean de Coïmbra. En 1461, Jean II, roi d’Aragon, Navarre et Sicile (frère et successeur d’Alphonse V) et Adolphe d’Egmond, fils du duc de Gueldre sont élus.

 La relecture chrétienne de la légende Toison d’or a conduit les érudits de l’entourage de Philippe le Bon, notamment Guillaume Filastre, à valoriser le personnage biblique de Gédéon, qui reçoit la toison d’un ange sortant d’une nuée pluvieuse. Cette transposition conduit occasionnellement à des modifications emblématiques. On voit ainsi le collier de fusil transformé en un collier de nuages pluvieux sur le folio 1 du Champion des Dames de Martin le Franc (Paris, BN, Ms. Fr. 12476, fol. 1v°, 1451).

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Notes

  1.  Olivier de La Marche, Epistre pour tenir et célébrer la noble feste de la Thoison d’Or, Beaune H. et d’ARBAUMONT J. éd., Mémoires, Paris, 1888, t. IV, p. 158 à 189.
  2.  PAVIOT J., « Le recrutement des chevaliers de l’ordre de la Toison d’Or » L’Ordre de la Toison d'or de Philippe Le Bon à Philippe Le Beau (1430-1505), idéal ou reflet d'une société ? Brepols, Bruxelles, 1996, p. 78.

Bibliographie

BOULTON d’A. J. D., The Knights in the Crown: The Monarchical Orders of Knighthood in Late Medieval Europe, 1326–1520, 2nde ed., St. Martin’s, 2000.

Van Den Bergen-Pantens C. (dir.), L'ordre de la Toison d'or, de Philippe le Bon à Philippe le Beau (1430-1505) : idéal ou reflet d'une société ?, Bruxelles, Bibliothèque royale, 1996.

Gruben F. de, Les chapitres de la Toison d'or à l'époque bourguignonne (1430-1477), Leuven University Press, Mediaevalia Lovaniensia, 1997

Paviot J.,« Emblématique de la maison de Bourgogne sous Philippe le Bon (1419-1467) », Actes du colloque Héraldique, sigillographie et sociétés savantes, 26 et 27 octobre 2006, Bulletin de liaison des sociétés savantes, no 12, mars 2007, p. 11-13.

PAVIOT J., « Le recrutement des chevaliers de l’ordre de la Toison d’Or » L’Ordre de la Toison d'or de Philippe Le Bon à Philippe Le Beau (1430-1505), idéal ou reflet d'une société ? Brepols, Bruxelles, 1996, p. 78.

PAVIOT J., « Du nouveau sur l’ordre de la Toison d’or », Journal des Savants, Paris, 2002, p. 280-298.

PASTOUREAU M., « Armoiries, devises, emblèmes. Usages et décors héraldiques à la cour de Bourgogne et dans les Pays-Bas méridionaux au XVe siècle », Miniatures flamandes, 1404-1482, Paris, 2011, p. 89-102.

PASTOUREAU M., « Emblèmes et symboles de la Toison d’or », L'ordre de la Toison d'or de Philippe Le Bon à Philippe Le Beau (1430-1505), idéal ou reflet d'une société ?, Bruxelles, 1996, p. 99-106 (voir aussi le site BNF).

SCHNERB B., L'État bourguignon, Paris, Perrin, 2005.

DE Smedt R. dir., Les chevaliers de l’ordre de la Toison d’Or au XVe siècle. Notices bio-bibliographiques, Francfort sur le Main, 1994, réed. corrigée 2000.

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