devise

emblématique et héraldique à la fin du Moyen Âge

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Croix de Saint-André

Une croix de X ou croix de Saint-André parfois formée de deux troncs écôtés et flamboyants

Période
1420-1470
Aires géographiques
France
Personnage
Philippe III de Bourgogne
Famille
Bourgogne
Devises associées
croix de Saint-André

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Philippe le Bon en prière associé à ses armes et devises : E affrontés, fusils et pierre à feu et croix de Saint-André enflammée (Traité sur la salutation évangélique, Bruxelles, B.R., Ms. 9270, fol. 2v°, 1461).

Une croix de X ou croix de Saint-André parfois formée de deux troncs écôtés et flamboyants (1419 - 1467†)

Si, dans l’emblématique de Jean sans Peur, la croix de Saint-André était davantage un emblème politique qu’une devise personnelle du prince, l’utilisation que fait Philippe le Bon de cette figure permet par contre de la compter dans la liste de ses devises, même si elle encore parfois qualifié d’enseigne par les sources[1]. Elle figure sur de nombreux documents aux côtés des autres devises du duc, manuscrits[2], pièces ou jetons[3]. Elle reste avant tout, sous Philippe le Bon, l’enseigne militaire des armées bourguignonnes (voir SCHNERB).

 Le choix de la croix de Saint-André comme emblème « national » puis comme devise ducale s’explique avant tout par le fait que saint André, associé à cet instrument de son martyr, est le patron du duché[4]. A ce titre sa croix était devenue le signe de reconnaissance des partisans du duc de bourgogne sous le principat de Jean sans Peur, à partir de 1411. Le développement de ce signe, que les sources qualifient alors de devise ou d’enseigne[5], y est même paroxystique : figurant sur les jetons et broches de ses fidèles[6], conduisant certains à se signer en forme de X[7] ou à affliger aux Armagnacs capturés des entailles de cette forme[8]. Il s’agit alors de répondre à la bande blanche du parti Armagnac qui est d’ailleurs diffamée par les chroniqueurs bourguignons[9].

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L’évolution du dessin des traverses de la croix, qui, de barres droites, deviennent progressivement des bâtons noueux, enflammés par les étincelles du fusil, mérite que l’on s’y attarde. La destruction de l’instrument du martyr du saint, devenu emblème des Bourguignons, devient paradoxalement un des effets de la mise à feu du fusil.  Cette évolution graphique s’explique d’abord par le motif de la branche noueuse fréquemment associée aux premières figurations du fusil et de sa pierre à feu, probable dérivé de la planche rabotée par le rabot que l’on trouvait déjà dans l’emblématique de Jean sans Peur. Cette branche noueuse pourrait encore faire allusion à un emblème Orléans, avec toutes les réserves exprimées ailleurs (voir Jean sans Peur, rabot). Parallèlement à ce motif, le thème du bois noueux était devenu, dans ces années 1430, un thème décoratif fréquent qui atteint progressivement la croix du saint patron de la Bourgogne.

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La croix en bois écôté pourrait ainsi évoquer le « martyr » de Jean sans Peur, « crucifié » par ses ennemis Armagnacs et que l’action du nouveau duc vise à détruire en y portant le feu, pour faire renaître de ses cendres la cause bourguignonne. Un grand sceau équestre utilisé entre 1431 et 1434 montre d’ailleurs le duc en tenue de guerre, son cheval chevauchant un bâton écoté et le champ du sceau étant semé de fusils cognant des silex et projetant des flammèches vers le bas de l’écu[10]. Rosenthal propose une autre explication, en lien avec le mot apparemment apocryphe, Ante Ferit QUAM FLAMMA MICET, que Paradin associe au fusil dans ses Devises héroïques[11]. Suivant ce dernier, plusieurs auteurs avancent que les branches qui forment la croix de Saint-André sont des branches de laurier, végétal qui, selon Pline, aurait la propriété de s’allumer sans silex[12]. Il n’est pas impossible, compte tenu de la réflexion érudite qui entoure cette devise, que Philippe le Bon ou son fils Charles le Téméraire aient développé ce type de lecture symbolique.

SCHNERB B., « La croix de Saint-André, ensaigne congnoissable des Bourguignons », Turrel D., Aurell M., Hablot L. et al. (dir.), Signes et couleurs des identités politiques du Moyen Âge à nos jours, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2008, p. 45-55.

Notes

  1.  LABORDE L. comte de, Les ducs de Bourgogne, étude sur les lettres, les arts et l’industrie pendant le XVe siècle, Paris, 3 vol., 1849-1851, RECETTE GENERALE 1424-25, p. 201 et suiv : Despense faicte ou temps de ce présent compte pour le fait de pluseurs habillemens de guerre et autres que MdS a fait faire pour cause des armes qu’il entendoit faire contre le duc de Glocestre. Article 690 : « A Jehan Pentin, orfèvre…pour sept couvertures de chevaulx aux armes, devise et enseigne de MdS… assavoir… une autre à la devise de MdS faicte de sattin figuré bleu et blanc, toute couverte de grans fusilz dorez à gros bastons d’or… et l’autre de l’enseigne de MdS à la croix Saint Andry blanche toute chargée d’orfavrerie dorée… ».
  2.  Voir par exemple le décor du Livre des statuts de la Toison d'or, La Haye, Koninklijke Bibliotheek, 7 6 E 14, fol. 8, vers 1431. DURRIEU, La miniature flamande, 1921, le Bruxelles, K. B. R, Ms. 9511, fol. 398.
  3.  Bruxelles, KBR, Cabinet des Médailles, Inv. II 2-735. Voir aussi PRADEL P., Catalogue des jetons des princes et princesses de la maison de France, Paris, 1936 : jeton de compte n°199 revers ; Voir aussi LAURENT R., Les sceaux des princes territoriaux belges du Xe siècle à 1482, Bruxelles, 1993, Philippe le Bon.
  4.  Sur Saint-André et sa croix voir en dernier lieu DENOËL C.,
  5.  Juvénal cité dans SAUVAL, 1724, t. 2, p. 467 : « Et prirent l’enseigne du duc de Bourgogne, ou devise, qui estoit le Sautoir, qu’ils appelloient la croix Sainct André, et une fleur de lys au milieu. Et y avoit en escript Vive le Roy ».. JEAN JOUvénEl des Ursins, Histoire de Charles VI, roy de France (1380-1422), MICHAUD J. et POUJOULAT B. éd., Nouvelle collection des mémoires relatifs à l’histoire de France, t. 2, Paris, 1854, p. 473 : « Est à advertir, que toutes les choses se faisoient au nom du Roy, et de monseigneur le dauphin. Mais ils laisserent la croix droite blanche qui est la vraye enseigne du Roy, et prirent la croix de sainct André, et la devise du duc de Bourgongne, le sautoüer, et ceux qu’on disoit Armagnacs portoient la bande.... ».
  6.  BRUNA D., Les enseignes de pèlerinage et les enseignes profanes au Musée national du Moyen Age, Paris, 1996, plombs n°543, 544, 545, 546, 547. Les chroniques et le Journal d’un Bourgeois de Paris décrivent précisément ces insignes : « En ces temps prinrent ceux de Paris chapperons de drap pers (bleu) et la croix de Saint-Andrieu, un J au milieu (Jean sans Peur) de la croix, un escu à la fleur de lys ; et en mains de quinze jours avoit à Paris cent milliers, que hommes que enfants, signés de ladite croix ; car nul n’yssoit de Paris qui ne l’avoit », Journal d’un bourgeois de Paris, éd. André Mary, Paris, 1929, p. 44.
  7.  Huizinga rapporte que « pendant la terreur bourguignonne, à Paris en 1411, chaque dimanche, au son des cloches, les Armagnacs étaient excommuniés. On décorait les images des saints de croix de Saint-André ; et certains prêtres, disait-on, pendant la messe ou la baptême, ne faisaient pas le signe de la croix de manière orthodoxe, mais le faisaient en forme de croix de Saint-André », HUIZINGA J., L’automne du Moyen Age, Harlem, 1919, rééd. Paris, 1975, p. 26, d’après le Religieux de Saint-Denis, Juvénal des Ursins et le Journal d’un bourgeois de Paris.
  8.  Voir à ce sujet mon article « Corps ravagés, emblèmes outragés. L’utilisation de l’emblématique dans les châtiments à la fin du Moyen Age », Actes du colloque Corps outragés, corps ravagés, dir. M. Billoré et M. Soria, Rennes, 2010, p. 139-154.
  9.  ENGUERRAND de MONSTRELET, Chronique, DOUËT d’ARCQ L. éd., 6 vol., Paris, 1857-1862, t. 2, p. 466-467 : « En laquelle armée on fist porter aux personnes du Roy et du duc d’Acquitaine la bende et enseigne du conte d’Armignac, en délaissant sa noble et gentille enseigne que lui et ses prédécesseurs roys de France avoient toujours porté en armes, c’est assavoir la droite croix blanche. Dont moult de notables barons, chevaliers et autres, anciens et loyaulx serviteurs d’icellui Roy et aussi dudit duc d’acquitaine, furent assez malcontens, disant que pas n’appartenoit à très excellente majesté royale de porter l’enseigne de si povre seigneur comme estoit le conte d’Armignac, veu encores que c’estoit en son royaume et pour sa querelle, et encores, que icelle bende dont on faisoit à présent si grande feste et joye, avoit esté baillé ou temps passé aux prédécesseurs d’icelui conte, à la porter à tousjours lui et ses hoirs, pour la condampnation d’un pape, en signe d’amende, pour ung forfait que les devantdiz d’Armaignac avoient fait et commis contre l’Eglise, au temps dessusdit.... ». Simona Slanicka a étudié l’apparition et l’utilisation de ce signe face à la Bande Armagnac durant la guerre civile entre 1409 et 1419 (SLANICKA S., Krieg der Zeichen. Die visuelle Politik Johanns ohne Furcht und der armagnakische-burgundische Bürgerkrieg, Göttingen, 2002). Elle relève notamment que, dans les Très riches Heures du duc de Berry (Chantilly, musée Condé, Ms. 84, fol. 147), les bourreaux, sur plusieurs folios, portent une écharpe passée en sautoir, allusion probable à la croix de Saint-André portée par les ennemis de Jean de Berry
  10.  Laurent, 1993, sceau n° 27 1, 27 2 de 1433, pl. 333, 334.
  11.  1557, p. 43.
  12. ROSENTHAL E. comte, « The invention of the columnar device of the emperor Charles V at the court of Burgundy in Flanders in 1516 », JWCI, n° 36 (1973), p. 209.

Bibliographie

PASTOUREAU M., « Armoiries, devises, emblèmes. Usages et décors héraldiques à la cour de Bourgogne et dans les Pays-Bas méridionaux au XVe siècle », Miniatures flamandes, 1404-1482, Paris, 2011, p. 89-102.

PASTOUREAU M., « Emblèmes et symboles de la Toison d’or », L'ordre de la Toison d'or de Philippe Le Bon à Philippe Le Beau (1430-1505), idéal ou reflet d'une société ?, Bruxelles, 1996, p. 99-106.

Paviot J., « Emblématique de la maison de Bourgogne sous Philippe le Bon (1419-1467) », Actes du colloque Héraldique, sigillographie et sociétés savantes, 26 et 27 octobre 2006, Bulletin de liaison des sociétés savantes, no 12, mars 2007, p. 11-13.

SCHNERB B., L'État bourguignon, Paris, Perrin, 2005.

SALET F., « Emblématique et histoire de l’art », Revue de l’art, 1990, n°87, p.13-28.

TOURNEUR V., « Les origines de l’Ordre de la Toison d’Or et la symbolique des insignes de celui-ci », dans Académie royale de Belgique, Bulletin de la Classe des Lettres et des Sciences Morales et Politiques, ser. V, XLII, 1956, p. 300 à 323.

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