devise

emblématique et héraldique à la fin du Moyen Âge

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fusil

Un fusil, ou briquet médiéval, associé à sa pierre à feu de silex, à des flammes et au mot AUTRE NAURAY

Période
1420-1470
Aires géographiques
France
Personnage
Philippe III de Bourgogne
Famille
Bourgogne
Devises associées
fusil
Mots associés
AULTRE NARAY
Lettres associées
EE
Couleurs associées
gris/noir

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La devise du fusil et le mot de Philippe le Bon dans le décor marginal de l’exemplaire ducal du Mortifiement de Vaine Plaisance de René d’Anjou ( (Bruxelles, KBR, Ms. 10308, fol. 1)

Un fusil (briquet) accompagné de flammes (1419 ? 1420- 1467†).

Les sources figurant cette devise sont très nombreuses et variées[1]. Le fusil apparaît au moins dès 1420 dans les inventaires du duc[2]. On le retrouve dès 1421 sur ses étendards et ses vêtements[3]. Une des premières représentations connue est sans doute à trouver dans un vitrail des années 1420 représentant Philippe le Bon (voir infra)[4]. Dans les années qui suivent, le fusil s’impose sur tous les biens meubles et immeubles du duc, monnaies, jetons, manuscrits, monuments, etc. Philippe le Bon conservera toute sa vie cette devise et la transmettra à ses successeurs. On la retrouve sur l’ensemble des éléments décoratifs habituellement chargés de devises : manuscrits, tapisseries, monnaies, jetons, armes et même une couronne peut-être destinée aux cérémonies de l’ordre de la Toison d’or[5]. En effet, elle occupera une place de choix dans le collier de l’ordre de la Toison d’Or, fondé en 1429, dont elle forme les maillons d’où pendent la toison de bélier (voir Toison d’or). Cette devise du fusil est également associée aux autres emblèmes du duc : les lettres E affrontées et liées (voir les lettres E), la croix de Saint-André (voir cet emblème), le mot AULTRE NARAY et les couleurs ducales (voir ces emblèmes).

 Cette riche figure a été l’objet de nombreuses études. Sa lecture est plurielle tant du point de vue graphique et emblématique que symbolique. Sur le plan graphique, Michel Pastoureau souligne les liens qui unissent cette devise du fusil au rabot paternel et ses raboteures transformées ici en étincelles flamboyantes. C’est d’ailleurs ainsi que les contemporains comprirent le choix de cette devise comme le confirme la Chronique de Georges Chastellain[6] : « Je vous diray les causes originelles et les premières racines dont luy est mu pensement à mettre sus ordre, sans avoir encore pensé, ne délibéré, ou au moins, si pensé l’avoit, sy l’avoit-il celé, de mettre sus celle ou telle, combien qu’en ensievant la nature de son père le duc Jehan qui en son temps moult avoit eu grans affaires en France et portoit, à entendement de pluseurs grandes choses, le rabot, cestui, non veuillant fuir l’entendement de son père par moins, ains plustost l’approcher par plus vive signification et plus ague, selon le temps que veoit, prist et mis sus pour enseigne perpetuel de sa maison le fusil, lequel, s’il le prist sans conseil que de luy, sy ne le prist-il sans mistère, me semble, entendible à chascun... ». M. Pastoureau note également le lien entre le fusil et la lettre B qui évoque l’initiale du nom du duché, Bourgogne et dont les extrémités en spirale ne sont pas sans rappeler la tête du bélier dont la toison forme le pendant du collier de l’ordre ducal. Notons également la proximité entre cette figure et les armes des empereurs de Byzance.

Du point de vue symbolique, le fusil est à l’évidence un emblème politique agressif choisi dans le contexte particulier de l’assassinat de Jean sans Peur (10 septembre 1419) et de la guerre ouverte avec le parti du Dauphin et des Armagnacs qui l’entourent. Comme le précise Chastellain, il prolonge alors le rabot, probable emblème politique hostile aux Orléans (voir cette devise). Si l’on admet que le bâton noueux est en effet une devise de la maison d’Orléans, on peut dès lors expliquer les nombreuses représentations qui figurent le fusil battant sa pierre et enflammant une branche écotée ou une croix de Saint- André formée de deux écots. Dans ce sens le mot qui l’accompagne AULTRE NARAY serait à comprendre dans le sens « je n’aurais d’autre but que la destruction de mon ennemi ». Mais le fusil peut également être un emblème courtois. A partir du mariage de Philippe le Bon et d’Isabelle de Portugal en 1430, cette devise semble vouloir évoquer de la passion, que, comme tout chevalier vertueux, le duc doit théoriquement porter à sa dame. Isabelle de Portugal semble même y répondre avec son mot TANT QUE JE VIVE. Enfin, la flamme produite par le fusil peut correspondre à l’ardeur avec laquelle les chevaliers de la Toison d’or doivent servir l’ordre et son maître.

  Ces jeux symboliques et emblématiques permettent même au fusil de se transformer en couronne comme sur le manuscrit des statuts et privilèges de l’hôpital de Dijon[7].

Quoiqu’il en soit le fusil reste durablement un emblème de la maison de Bourgogne, y compris après la mort de Charles le Téméraire lorsqu’il entre dans l’emblématique de la maison de Habsbourg.

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Notes

  1.  Pour les manuscrits, on peut citer : Traités de la conservation de la santé de Gui Parat, Saint Pétersbourg, bibl. nat. de Russie, Fr. Q. v. VI, 1, vers 1460-1465 ; Livre de prières de Philippe le Bon, Paris, BNF, N. a. Fr. 16428, vers 1462-1465 ; Le mortifiement de Vaine plaisance du Roi René d’Anjou, Bruxelles, KBR, Ms. 10308, fol. 3v° ; Le Champion des Dames de Martin Le Franc, Paris, BNF, Ms. Fr. 12476, vers 1451 ; voir aussi DURRIEU comte Paul, La miniature flamande au temps de la cour de Bourgogne (1415-1530), Bruxelles et Paris, 1921. : Bruxelles, KBR, Ms. 9046, fol 1. ; Ms. 9511, fol 398 ; Ms. 9066, fol. 11, avant 1460 ; La Haye, bibl. royale, ms. A. A. 271, fol 261. Voir aussi dans PRADEL P., Catalogue des jetons des princes et princesses de la maison de France, Paris, 1936 : le jeton de compte n° 186 porte au droit les armes du duc et deux briquets étincelants de chaque côté du heaume et au revers quatre briquets surmontant des silex et lançants des étincelles disposés en croix autour d’une quintefeuille + JAMAIS AULTRE * JAMAIS AULTRE.
  2.  MORANVILLE H., Inventaire de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, en 1420, Paris, 1935, art 762 : « une chambre que ceux d’Utrecht donnèrent à mondit seigneur, garnye de ciel, dossier, couverture de lit et une esle à tendre..en la moyenne a ung personnage tenant ung tymbre et pennon des armes de Bourgoingne et à fusilz…ladicte couverture de lit est de pareil brodure et a ou mylieu ung escu des armes de mondit seigneur, lequel tiennent deux lyons noirs en ung ront compas et fusilz et rolleaux où il y a escript Autre n’auray… ».

    3  LABORDE L. comte de, Les ducs de Bourgogne, étude sur les lettres, les arts et l’industrie pendant le XVe siècle, Paris, 3 vol., 1849-1851, t. 2, p. 172-179 et p. 183-194, et t. 1, p. 201-204 « pour 23 m. d’argent blanc ouvré…tant à fusilz comme autrement à la devise de MdS que icellui S a fait mectre…sur un habit et 2 chaperons… item sur une robe bleue… item sur une robe noire ;pour 58 m. d’argent doré que MdS aprez sa nouvelle chevalerie a fait asseoir sur lesdits 4 habiz et chaperons » Laborde, n° 645-646, cité dans BEAULIEU M. et BAYLé J., Le costume en Bourgogne de Philippe le Hardi à Charles le Téméraire, Paris, 1956., p. 34, note 2.

  3.  LABORDE L. comte de, Les ducs de Bourgogne, étude sur les lettres, les arts et l’industrie pendant le XVe siècle, Paris, 3 vol., 1849-1851, t. 2, p. 172-179 et p. 183-194, et t. 1, p. 201-204 « pour 23 m. d’argent blanc ouvré…tant à fusilz comme autrement à la devise de MdS que icellui S a fait mectre…sur un habit et 2 chaperons… item sur une robe bleue… item sur une robe noire ;pour 58 m. d’argent doré que MdS aprez sa nouvelle chevalerie a fait asseoir sur lesdits 4 habiz et chaperons » Laborde, n° 645-646, cité dans BEAULIEU M. et BAYLé J., Le costume en Bourgogne de Philippe le Hardi à Charles le Téméraire, Paris, 1956., p. 34, note 2.
  4.  Vitrail cité dans RACKHAM B., A Guide to the Collections of Stained Glass, Londres, 1936, p. 105 et planche 38.
  5.  Inventaire de 1467 : « une couronne d’or fustée à fusilz où il y a cinq grans fleurons et cinq petis… », d’après LABORDE, n° 3001, cité dans BAYLE et BEAULIEU, 1956, p. 112, note 3.
  6. , Chastellain, Chronique, dans Œuvres, éd. Kervyn de Lettenhove, Bruxelles, 1863, t. 2, p. 8.
  7.  Dijon, Hôpital Général, Ms. A4, fol. 5.

Bibliographie

Paviot J., « Emblématique de la maison de Bourgogne sous Philippe le Bon (1419-1467) », Actes du colloque Héraldique, sigillographie et sociétés savantes, 26 et 27 octobre 2006, Bulletin de liaison des sociétés savantes, no 12, mars 2007, p. 11-13.

PASTOUREAU M., « Armoiries, devises, embl èmes. Usages et décors héraldiques à la cour de Bourgogne et dans les Pays-Bas méridionaux au XVe siècle », Miniatures flamandes, 1404-1482, Paris, 2011, p. 89-102.

PASTOUREAU M., « Emblèmes et symboles de la Toison d’or », L'ordre de la Toison d'or de Philippe Le Bon à Philippe Le Beau (1430-1505), idéal ou reflet d'une société ?, Bruxelles, 1996, p. 99-106.

SCHNERB B., L'État bourguignon, Paris, Perrin, 2005.

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