cerf ailé
un cerf blanc ailé dit "cerf volant", colleté d'une couronne, prenant son envol
Frontispice du Songe du vieil Pélerin de Philippe de Mézières, Paris, BnF, Bibliothèque de l'Arsenal, Ms. 2682, fol. 34, vers 1385.
- Période
- 1382-1390
- Aires géographiques
- France
- Personnage
- Charles VI
- Famille
- Valois
- Devises associées
- cerf ailé, anneaux entrelacés, genêt
- Mots associés
- EN BIEN
- Lettres associées
- K, KE
- Couleurs associées
- vert/blanc/rouge, vert/rouge
Dans le courant de l’été 1382, Charles VI adopte ce qui semble être sa première devise stable, le cerf ailé ou "cerf volant". Représenté ailé, colleté d’une couronne et prenant son envol en appui sur ses postérieurs, cet animal domine l’emblématique royale jusque dans les années 1390 et restera pour ses successeurs une devise de référence jusqu’à ce que la trahison du connétable de Bourbon, qui en avait hérité, conduise François Ier à l’éradiquer du vocabulaire emblématique royal.
L’histoire de cette devise à fait l’objet de travaux récents qui montrent à quel point un signe pouvait supporter une multitude de sens et servir l’image royale. Mais la figure du cerf appartient depuis longtemps à la symbolique hagiographique, littéraire, aristocratique et dynastique[1].
Fait rarissime, son adoption par le jeune roi est commentée par les sources contemporaines. On peut ainsi préciser que c’est entre la fin juillet et le mois de septembre que se situe l’adoption de la nouvelle devise du cerf volant. Plusieurs faits y concourent. On sait par les comptes de l’hôtel que le mardi 17 septembre 1382, Colin le Serrurier fut payé pour « une fleur de liz de fer achetée de lui pour saigner un cerf, lequel Roy chassoit en la forest de Compiègne, lequel cerf se vint rendre et une stable en la maladrerie de Choisy, et fut seigné ledit cerf à ladicte fleur de liz, et puis ot congié de retourner et la forest par le commandement due dit seigneur, mardi 17 jour de septembre »[12]. C’est, selon Colette Beaune, cette prise étonnante, mais pas inédite, comme le prouvent les comptes de Philippe le Hardi, qui serait à l’origine de la devise du roi. Elle est rapportée par le Religieux de Saint-Denis[13] et Jouvenel des Ursins, suivant sans doute la chronique du Religieux, évoque le même évènement, le situant dans la forêt de Senlis[14].
« Un jour que pour charmer son ennui, il [le roi] était allé à la chasse, au milieu d'une troupe de cerfs, il en aperçut un plus beau que les autres, et qui, chose étonnante à dire et à voir, portait au cou un collier de cuivre doré, avec une inscription en caractères forts anciens. Par son ordre, on le prit, sans se servir des chiens, mais seulement avec les filets de chasse. Plusieurs de ceux qui lurent l'inscription rapportèrent qu'elle contenait ces mots latins Caesar hoc mihi donavit. Ils assurèrent au roi que cet animal était resté dans ce bois depuis le temps de Jules César ou de quelque autre empereur ; le roi charmé, rendit au cerf sa liberté. On n'avait jamais rien vu ni rien su de pareil ; le roi fut tellement enchanté de cette rencontre, que dans la suite il fit graver sur la vaisselle royale d'or et d'argent et sur tous les meubles d'apparat, un cerf volant portant une couronne pour collier »
« et de là, s’en alla à Senlis pour chasser. En fut trouvé un cerf qui avait au cou une chaîne de cuivre doré et défendit qu’on le prit que des lacs sans le tuer et ainsi fut fait. Et trouva-t-on qu’il avait au cou la dite la chaîne où il y avait écrit Caesar hoc mihi donavit. Et deslors le roi porta en devise le cerf volant avec couronne d’or au cou et partout où l’on mettait ses armes, il y avait deux cerfs volants portant ses armes d’un côté et de l’autre »
Certains historiens, acceptant la réalité des faits, émettent l’hypothèse qu’il s’agirait d’un cerf blanc de Pologne élevé pour l’empereur Charles IV dont le collier serait la marque et qui aurait fuit les forêts de Cuise, proches du Valois[15].
Pourtant, la devise choisie par le jeune souverain est en grande partie un héritage. Dans les dernières années de son règne en effet, Charles V avait peut-être déjà employé la devise du daim, autre cervidé, qui se rapproche du cerf et qui se retrouve associé à l’emblématique de Jean le Bon (voir Charles V et Jean le Bon). S’il était avéré que les broches qui associent le daim au mot PLUS HAUT, que l’on retrouve dans les inventaires de Louis d’Orléans et de Philippe le Hardi, ont été distribuées par Charles V, la figure du cervidé prenant son envol apparaît dès lors comme une mise en image du programme énoncé par le père de Charles VI.
Quoiqu'il en soit, le cerf, associé à l’idée de justice divine, faisait déjà partie de l’imaginaire symbolique de Charles V qui, en 1364, charge le peintre Jean d’Orléans de peindre le cerf de justice dans la grande salle du palais royal de Paris[2], pratique imitée par Jean de Berry dans son palais de Riom et que Charles VI "consolidera" sous l'influence des Marmousets en faisant fondre un imposant cerf d'or exposé au Palais. On retrouve d'ailleurs cet animal associé à cette même symbolique dans l’illustration du « Parlement de Vertu » du Songe de Philippe de Mézières [3]. .
Colette Beaune a également voulu voir dans cette devise de Charles VI un héritage des Bourbon. Le cerf aptère, chevauché par un homme sauvage, apparaît en effet comme support des armes de Louis II sur son sceau daté de 1367[4], mais aucun autre témoignage ne vient confirmer cette hypothèse avant que Pierre de Beaujeu ne réutilise le cerf volant dans la seconde moitié du XVe siècle[5]. S’il fallait chercher dans cette devise une allusion à l’un des oncles du roi, c’est davantage vers Philippe le Hardi qu’il conviendrait de se tourner. Entre 1368 et 1382, c’est-à-dire entre son mariage avec Marguerite de Flandre et l’adoption du cerf volant par Charles VI, plusieurs articles de comptes font référence à des objets décorés de cerfs réalisés pour le duc et plus particulièrement pour son épouse, dont une litière qui n’est pas sans rappeler celle peinte pour Charles V en 1380[6]. La maison de Male a été très tôt concernée par les pratiques de l’emblématique nouvelle et il est possible que cette devise du cerf soit liée avec le comté de Flandre que Charles VI partait précisément soumettre lorsqu’il adopta le cerf volant. Comme son neveu, Philippe le Hardi avait gardé un cerf capturé lors d’une chasse en 1378[7].
L’influence anglaise n’est pas non plus à négliger. La plupart des auteurs s’accordent pour dire que la devise de la biche couchée apparaît en Angleterre avec Philippa de Hainaut, épouse d’Edouard III. Il est possible, comme nous venons de le voir sur le signet de Jean le Bon de 1360, qu’Edouard III ait adopté la version masculine de cette devise, le cerf couché. La devise de la biche couchée est reprise par la suivante de la reine, Jeanne de Kent, future épouse du Prince Noir et donc mère de Richard II. Ce dernier prend précisément la devise du cerf couché vers 1379 et donc avant que Charles VI n’adopte sa devise du cerf volant. Contrairement à l’explication avancée par Colette Beaune[8], ce n’est pas en référence au cerf de Charles VI, et à la suite de son union avec Isabelle de Valois en 1396, que Richard II prit sa devise du cerf. Il semblerait plutôt que ce soit dans le sens Angleterre/France que la transmission s’est produite.
Cette devise du cerf volant choisie par le jeune roi s’inscrit également dans un cadre politique et culturel précis étudié en détail par Colette Beaune et Thierry Lassabatère[9].
Le contexte politique est essentiel pour saisir la portée de cette figure. En mais 1382, Louis de Male, comte de Flandre et gendre de Philippe le Hardi, est expulsé de Bruges[10]. Caché chez une bourgeoise, il échappe à la mort et se réfugie à la cour de Bourgogne à Lille. Les Flamands, menés par Philippe van Artevelde, entament des pourparlers avec l’Angleterre et au début du mois de juillet le comte de Flandre appuyé par son gendre réclame l’appui du roi de France. A la mi-août Charles VI décide d’intervenir et réunit l’ost pour le mois de septembre. Ces différents évènements sont relatés dans plusieurs poèmes d’Eustache Deschamps[11]. Parmi les nombreuses métaphores qu’il utilise pour désigner les protagonistes, Louis de Male y est le « lyon noir » de ses armes, le cerf volant n’est pas mentionné avant les poèmes relatifs à la victoire mais en revanche les révoltés Flamands y sont déjà évoqués par la figure des fourmis, élément important dans la symbolique du cerf comme nous allons le voir.
Cette rencontre mérite d’être développée. Elle se rattache à la fois à l’imaginaire dynastique et aux références culturelles du temps : les récits légendaires sur les Preux de l’Antiquité. Depuis les Mérovingiens, le cervidé est le messager envoyé par le ciel pour soutenir les rois francs en difficulté. Une biche miraculeuse montre à Clovis le gué qui lui permet de traverser la Vienne en crue[16]. Dagobert poursuivit un cerf miraculeux qui lui indiqua la sépulture de saint Denis et de ses compagnons martyrs, emplacement sur lequel le souverain décida d’édifier une abbaye : Saint-Denis, futur sanctuaire de la monarchie[17]. Charlemagne fut aidé par un cerf miraculeux à plusieurs reprises[18], et Philippe le Bel eu la vision d’un cerf aux bois chargés d’une croix quelques jours avant sa mort. Les ailes dont est doté le cerf de Charles VI permettent de souligner le lien de cette figure avec le monde divin et ne sont pas sans rappeler les anges instaurés comme supports des armes royales par Charles V.
Parallèlement à ces légendes dynastiques savamment entretenues, les bestiaires antiques relatent des rencontres semblables. Ainsi Aristote rapporte que Diodème consacra un cerf blanc à Diane et que ce cerf fut tué trois cent ans plus tard par Agathocles, roi de Sicile. Pline, dans son Histoire naturelle, référence de la plupart des bestiaires médiévaux, insiste sur la longévité du cerf et mentionne que « on en a repris après cent ans qui portaient encore des colliers d’or qu’Alexandre leur avait fait mettre »[19]. Les chasses miraculeuses où ce cerf colleté est capturé se retrouvent dans toute l’Europe. Il est pris en Angleterre dans la forêt de Windsor et dans celle de Rothwelle Haigh près de York, ou à Magdebourg. Comme le rappelle une inscrition sculptée sur les murs de la cathédrale de Lubeck commémorant la prise d’un cerf colleté par Henri le Lion, c’est Charlemagne qui aurait capturé un cerf blanc et l’aurait colleté d’un cercle d’or[20].
Le cerf blanc de Richard II est précisément blanc, colleté d’un cercle d’or, en l’occurrence une couronne[21], comme celui de Charles VI, et enchaîné. Le cerf du signet de Jean le Bon est lui-même colleté et enchaîné. Compte tenu du succès de ces légendes, il serait surprenant que ces figures ne soient pas allusives aux chasses miraculeuses. Que la chasse miraculeuse de Charles VI ait véritablement eu lieu n’est pas assuré, en revanche la visite du roi à Saint-Denis en septembre 1382 pour y lever l’oriflamme est déterminante comme l’a démontré Colette Beaune. D’une part l’histoire de la fondation légendaire de l’abbaye par Dagobert a pu y être évoquée, d’autre part l’abbaye prétend conserver les reliques de saint Eustache[22], un des saints, avec saint Gilles, sainte Ida, saint Félix et saint Hubert, dont un cervidé est l’attribut[23]. Le Trésor de Vénerie de Hardouin de Fontaine-Guérin, écrit dans les années qui suivent l’adoption de cette devise, intègre dans le même chapitre une référence à la devise royale et la légende de saint Eustache.
Le récit de ces légendes, cumulé aux mythes dynastiques et complété par les lectures du jeune souverain, passionné comme ses contemporains par le monde arthurien, justifient amplement le choix de cette devise. Dans les romans de la matière de Bretagne, le cerf est l’animal emblématique du monde nobiliaire. La chasse au cerf blanc est ainsi considérée dans Erec et Enide de Chrétien de Troyes comme dans le Roman du Graal de Robert de Boron[24]. Mais Colette Beaune a trouvé dans Lancelot, conservé dans la bibliothèque de Jeanne de Bourbon et dans la Queste du Graal, passé entre les mains du roi entre janvier et juillet 1382, une clef de lecture de la devise du cerf volant[25]. Le roman de Lancelot évoque une vision du chevalier, un cerf blanc gardé par des lions et colleté d’un collier d’or[26]. La Queste del saint Graal raconte comment Perceval, Galaad et Bohort avaient rencontré dans la forêt obscure un cerf blanc conduit par quatre lions vers une chapelle. Dans le sanctuaire, où un ermite célèbre la messe, le cerf se change en Christ victorieux de la mort et roi de ce monde, tandis que les quatre lions prennent la figure des quatre évangélistes. Galaad adopte alors les armes rouge et vert au blanc cerf, ces couleurs évoquant la nef magique qui lui permettra d’atteindre le Graal ; celle-ci était faite du bois de l’arbre du Paradis qui avait été successivement blanc, avant la faute, puis vert à la naissance d’Abel, l’agriculteur, et enfin rouge, quand le sang d’Abel répandu par Caïn annonça la Passion du Christ[27].
Froissart attribue quant à lui son adoption à un songe du roi à Senlis durant l’été 1382 et donc avant la visite du roi à Saint-Denis. Charles VI rêve qu’il se trouve à Arras où Louis de Male lui offre un faucon de prix que le roi part aussitôt mettre au vol. L’oiseau s’élance et abat plusieurs hérons mais s’échappe. Alors que le roi croit son oiseau perdu, un cerf volant apparaît devant lui et, le prenant sur son dos, l’élève dans les airs à la poursuite du faucon. Il est tentant de croire à la réalité de ce rêve qui, comme la plupart des songes, fait intervenir les données qui hantent l’esprit du roi à ce moment : ses lectures sur le cerf christique et la « question de Flandre ». La visite à Saint-Denis ne fera que renforcer le poids symbolique de cette devise qui « tant li plaissoit li figure de che cerf que à paines en imaginations il n’en pooit partir, et fu li une des incidenses premiers, quant il descendi en Flandres combatre les Flamens, pour quoi le plus il encarga en sa devise le cerf vollant à porter »[28].
Thierry Lassabatère a brillamment démontré, à travers la lecture des poèmes d’Eustache Deschamps, que la devise du cerf volant prend tout son sens dans la campagne de Flandre de l’automne 1382. Plusieurs pièces, postérieures à la bataille de Roosebeke le 27 novembre, évoquent le roi sous la figure de cette devise comme la ballade 67 « Trente deux ans ara le cerf volant / Des grans forets de Gaule et de Bourbon, / Au chief legier, et au corps remuant / A XIII. Cors fera craindre son nom… Et son bestail yra tout destruisant, / l’Ilsle aux fourmis, entour et environ », la ballade 192 qui prédit que le cerf volant « Sur les froumis aura plaine victoire / Ains. XIIII ans ou lac plain de delit », ou la ballade 1390 qui annonce aux fourmis que « Le cerf volant les avra mis / Ains XIIII ans a grant confusion ». Le cerf volant désigne clairement Charles VI comme le confirment ses quatorze bois, âge du souverain au moment de la campagne. Cette opposition entre cerf et fourmis n’est pas uniquement fortuite, elle tient en grande partie à l’enseignement des bestiaires.
Le phénomène inexpliqué de la chute et de la repousse des bois du cerf avait contribué à en faire un symbole de renaissance cyclique, ce qui justifie son association au dieu agraire celte, Cernunnos. Les premiers auteurs chrétiens christianisèrent cette lecture et, d’un symbole de la renaissance de la nature, firent un symbole de la Résurrection. A cette résurrection sont associées les deux conditions du Salut, la purification baptismale et la lutte contre le mal. En unissant le cerf à l’eau purificatrice le Psalmiste avait contribué à cette interprétation[29]. Elle fut relayée par les bestiaires, notamment le Traité du roi Modus et de la reine Ratio, traité de chasse allégorique et condensé de bestiaires, rédigé par Henri de Ferrières en 1377 pour le comte de Tancarville, futur grand veneur de Charles VI[30]. Ces textes font du cerf l’ennemi juré du serpent. Obligeant le serpent à sortir de son trou en y soufflant de l’eau, le cerf l’avale dès qu’il paraît. Il s’empoisonne ainsi d’une soif inextinguible qu’il va assouvir à la fontaine, se régénèrant par ce moyen. Cette lutte, aboutissant à la résurrection du cerf intervient tous les trente deux ans, à l’image de la résurrection du Christ. Eustache Deschamps y fait clairement allusion en évoquant les trente deux ans qu’aura le cerf volant quand il parviendra à la domination universelle. Charles VI, né en 1368, atteindra cet âge en 1400, date eschatologique évoquée par Pierre d’Ailly et saint Vincent Ferrier[31]. La symbolique christologique du cerf et le lien entre cet animal et Charlemagne contribuent à faire de Charles VI un second Charlemagne et le dernier empereur de la fin du monde.
En tant qu’animal christologique, victorieux du mal, le cerf est associé à la vie éternelle. Tous les bestiaires insistent sur cette longévité qui est fréquemment avancée pour expliquer la présence des cerfs miraculeux colletés par des héros antiques comme dans les Contes moralisés de Nicole de Bozon : « Quand le cerf veut déposer vieillesse ou maladie, il lutte contre le serpent, le mange et court à la fontaine. En cette manière, il mue son poil et ses cornes et les jette loin de lui… et pour cela Alexandre faisait mettre des cercles d’or autour de son cou… »[32].
Le Livre du roi Modus et de la reine Ratio complète son histoire naturelle du cerf en précisant que c’est sur une fourmilière qu’il trouve le serpent par lequel il se régénère[33]. Métaphore positive de la multitude laborieuse dans la poésie antique[34], les fourmis deviennent sous la plume d’Hérodote (III, 102-104), le symbole de l’avarice et de la rapacité. Transposée par Eustache Deschamps aux Flamands, cette image en donne la vision d’un peuple laborieux et enrichi que le cerf - Charles VI - se doit d’éparpiller pour atteindre le mal - le serpent[35]. Il reste difficile d’établir si ces liens symboliques ont été compris dès l’adoption de la devise du cerf volant par Charles VI, qui connaissait très certainement le Livre du roi Modus, ou si Eustache Deschamps y a recouru a posteriori. Homme cultivé et courtisan, ce poète était certainement très concerné par la figure du cerf, animal emblématique de son saint patron. Il est fort probable qu’il a joué un rôle crucial, peut-être sous l’influence d’un des oncles, dans le choix de cette devise par Charles VI ou au moins dans le développement de son champ signifiant.
La lutte du cerf contre les fourmis correspond d’ailleurs aux enseignements des traités de chasse de la seconde moitié du XIIIe siècle. Gaston Phoebus et Hardouin de Fontaine-Guérin s’accordent pour voir dans la chasse au cerf la chasse noble par excellence car le cerf est « beste de droite noblesse et gentillesse… »[36]. On peut comprendre le choix de cette figure comme la lutte de la noblesse contre le commun, qu’il s’agisse des bourgeois de Paris ou de Rouen révoltés en mars 1382 ou des Flamands, soulevés en mai[37]. A l’instar de son grand-père Jean le Bon, Charles VI, lui aussi roi-chevalier, cherche à réformer et à restaurer la noblesse dans ses valeurs, ses droits et ses devoirs. Il faut insister sur le fait que depuis son accession au trône, Charles VI a dû réprimer plusieurs soulèvements populaires, en particulier en cette année 1382[38], et qu’il redoute sans doute les excès commis contre son père pendant la captivité de Jean le Bon, comme en témoigne la sévérité avec laquelle il châtie ces révoltes qui conduit les historiens à parler de la contre-révolution de 1383. Philippe van Artevelde, qui, selon le duc de Bourgogne, cité par Froissart[39], avait pour projet de détruire toute « chevalerie et gentillerie », est méprisé par le roi pour sa condition. A l’issue de la victoire de Roosebeke le 27 novembre 1382, Charles VI frappe du pied son cadavre en le traitant de vilain[40]. Le pillage de Courtrai qui suit la bataille de Rosebecke venge d’ailleurs la défaite de la noblesse française face au peuple flamand en 1302[41].
Les différents auteurs qui se sont penchés sur cette devise n’ont pas insisté sur l’idée de célérité rendue par la devise de Charles VI. Sur toutes ses représentations, le cerf est figuré en impulsion, en train de prendre son envol comme s’il fuyait ou poursuivait quelque chose. Cette figuration correspond assez justement à l’idée d’un départ en campagne militaire. Pourtant Froissart laisse clairement entendre que le jeune roi ne s’est pas décidé en un jour. Il aura fallu toute la persuasion et le poids de Philippe le Hardi pour le décider à laisser pour un temps son royaume aux mains des rebelles soulevés de part et d’autre. Ce cerf en action illustre aussi assez bien l’image du songe transcrit par Froissart lorsque le cerf emporte le roi sur son dos à la poursuite du faucon. Il s’agit peut-être aussi de figurer l’ascension du Christ, car c’est bien lui que le cerf représente, regagnant la droite du Père. On pourrait encore y voir, compte tenu de la symbolique du cerf et de l’idée de rapidité rendue par les ailes, la volonté du roi de rendre prompte justice.
Mais, là encore, les bestiaires permettent de proposer une explication. Selon le bestiaire de Cambridge, lorsque les cerfs ont à traverser un cours d’eau, ils se hâtent de le faire de peur d’être salis et se poussent les uns les autres « Ainsi quand des chrétiens quittent leur pâture, c’est-à-dire notre monde, pour l’amour des prés du ciel, ils se soutiennent les uns les autres, c’est-à-dire que les plus parfaits entraînent les moins parfaits et les soutiennent par leur exemple et leurs bonnes œuvres. Et s’ils rencontrent en chemin quelque occasion de péché, ils se hâtent de fuir »[42]. Charles VI a-t-il voulu se figurer comme ce cerf « plus parfait », qui pousse les autres à franchir le cours d’eau ? On a vu qu’Eustache Deschamps avait longuement insisté sur le fait que les fourmis sont réunies en une île[43], peut-être est-ce une allusion aux marécage flamands ou à la Lys à franchir mais c’est aussi une référence aux bestiaires. Cette capacité du cerf à franchir les cours d’eau pourrait également être mise en relation avec les projets d’expédition en Angleterre qui interviendront en 1385. Charles VI y songeait-il déjà en 1382 ?
Le contexte politique invite également à comparer les devises respectives portées par des souverains très proches en âge, en goûts et par la nature de leur pouvoir, Richard II et Charles VI. En effet le contraste, accentué par la similarité, entre le cerf volant de Charles VI et le cerf couché de Richard II, est frappant. Autant dans la devise de Richard II, adoptée vers 1379[44], le cerf est soumis, passif et parfois même enchaîné, c’est à dire captif[45], autant chez Charles VI, il est libre et actif. C’est peut-être en opposition à ce cerf que Charles VI aurait adopté sa devise en 1382. C’est d’ailleurs curieusement dans les années de renforcement de l’alliance franco-anglaise que le cerf volant disparaît progressivement de l’emblématique du roi au profit du genêt, du tigre et du paon[46]. Les inventaires oublient alors que le cerf était la devise de Charles VI au point de mentionner en 1421 une selle à décor de « cerfs volans de la devise du roy d’Angleterre »[47]. Cette lecture anti-anglaise de la devise du cerf volant n’est d’ailleurs pas incompatible avec celle de l’adoption de la devise à l’occasion de la campagne de 1382. A leur habitude, les révoltés flamands se tournent immédiatement vers Richard II pour soutenir leur révolte et Froissart qualifie Philippe van Artevelde de « pur englois de corage »[48]. La rivalité est encore bien vivace en 1383 comme le prouve le duel que Richard II propose à Charles VI et qui les opposeraient en compagnie de leurs oncles respectifs, York, Lancastre et Glocester et Anjou, Bourgogne et Berry. La reprise de cette devise par Charles VII vers 1422 pourrait également soutenir cette lecture.
Emblème dynastique, emblème christologique, emblème noble et chevaleresque, emblème d’opposition à l’Angleterre, emblème de la justice royale, la devise du cerf volant cumule toutes les aspirations du jeune souverain. Cette polysémie parfaitement cohérente, adaptée aux circonstances et aux ambitions du roi, très rapidement développée par les théoriciens du pouvoir, justifie le succès de cette première devise royale stable et son omniprésence dans les représentations royales pendant près de dix ans.
En effet, dès 1382, la devise du cerf est largement présente dans les comptes de l’Ecurie de Charles VI conservés jusqu’en 1387. La disparition de ces comptes entre 1387 et 1399 ne permet pas de saisir avec exactitude le moment de l’abandon de cette devise mais les sources annexes permettent de la supposer vers 1390/94.
Avant la fin de l’année 1382, Charles VI fait réaliser plusieurs jacques rouges décorées du cerf volant, deux étendards, un rouge et un bleu à cette devise et des capelines pour son frère et lui avec cette même figure[49]. L’année suivante, la seconde expédition en Flandre désignée comme le « voyage à Bourbouc » (Bourbourg au sud de Gravelines) n’est curieusement pas placée sous le signe exclusif du cerf volant mais aussi sous celui du soleil et des anneaux doubles, néanmoins à cette date, les cerfs volants se retrouvent sur les articles les plus variés, selles, épées, étendards, etc[50]. En 1384 aucun article de l’Ecurie ne comporte de cerf volant et en 1385, les objets à cerfs volants ne figurent pas dans les comptes ordinaires mais dans ceux des préparatifs des joutes à Cambrai en avril. Cerfs volants et annelets recouvrent tous les éléments de joute, harnais, harnois, cimier, écu, etc[51]. A la suite de ces joutes, les commandes passées en vue du « voyage en Angleterre » en 1385 et 1386 comportent encore de nombreux articles décorés du cerf volant[52]. L’année 1387 voit apparaître la devise du genêt mais quelques articles mentionnent encore le cerf volant[53]. Les comptes de l’Ecurie, qui reprennent en 1399, ne mentionnent plus cette devise mais de nombreuses autres sources permettent de confirmer son usage jusqu’en 1389. Douët d’Arcq a publié un compte de l’Argenterie pour 1387. Le genêt y domine à l’exception d’une mention relative à la restauration d’une chambre : « A lui pour sa paine et sallaire d’avoir appareillé et mis a point la chambre de satin vert, au cerf Volant, du Roy nostre sire... »[54]. On retrouve couramment la devise du cerf volant dans les inventaires des dernières années du règne qui mentionnent sans doute des pièces réalisées vers 1382-1390[55]. Le tombeau du cardinal Jean de La Grange, édifié en 1388, figure encore des cerfs-volants[56].
Les comptes et inventaires des parents du roi offrent de précieuses informations sur cette devise. Dès le mois de novembre 1382, Charles VI offre à sa tante, Marguerite de Flandre « un gobelet d’or…lequel le roy donna à Madame de Bourgoigne à Meleun, ouquel a I petit cerf dessus… »[57]. En février 1386, Philippe le Hardi offre en étrennes au roi : « un gobelet d’or… à deux terrasses où il y avoit deux cerfs volants avec plusieurs chiens et bestes sauvages »[58]. Le premier de l’An 1388, il donne « en bonnes etrennes au roi 9 draps d’or des trois devises de sa majesté, savoir, 3 aux cerfs volants, 3 aux plumes, et 3 aux annelés… »[59]. La dernière référence à cette devise apparaît en février 1390 lorsque que le duc de Bourgogne paye « Guillaume de la Trémoille, seigneur de Huchon, chevalier et chambellan de Mgr, pour un sien fermail d’or à I cerf volant esmantelé… que leduc prinst de lui et donna à Jehan de Montagu, secretaire du roy nostre sire au departement de la feste qui se tint en la ville de Dijon pour cause de la venue du roy nostre sire en ycelle… »[60]. A cette date, le cerf volant semble encore être le signe distinctif des familiers du roi, à côté d’autres formules emblématiques. Des fermaux ou des objets à cette devise se retrouvent au début du XVe siècle dans la plupart des inventaires princiers[61]
Les échanges de lettres diplomatiques entre Charles VI et son parent Jean Ier d’Aragon nous renseignent sur le partage de cette devise. En 1387, cer dernier sollicite l’« ordre » du Cerf Volant qu’il reçoit en 1388 puis à nouveau en 1389, associé au genêt[62]. Preuve que pour les cours étrangères, cette devise fonctionnait bien à la manière d’un ordre !
Les entrées et les dons qui y interviennent permettent également de saisir à quel point le cerf volant était devenu représentatif de la personne royale. En 1389 lors de l’entrée de la reine à Paris, un cerf volant blanc apparaît dans une scène où figure également le lit de Justice, près de la porte du Châtelet, lieu traditionnellement associé à cette fonction justicière du roi[63]. La ville de Vienne offre un cerf d’or en 1389, Grenade-sur-Garonne en 1390, Caen en 1394, Brioude en 1395. Ces deux sources témoignent des décalages qui peuvent exister entre la cour où les devises sont régulièrement renouvelées et complétées et les cours étrangères ou les villes de provinces qui connaissent avec un certain retard les éléments de la propagande royale.
Les sources iconographiques contemporaines de Charles VI, relatives au cerf volant sont assez peu nombreuses bien que souvent exceptionnelles. Parmi celles-ci, il faut citer le frontispice de l’exemplaire du Songe du Vieil Pèlerin de Philippe de Mézières peint pour Bureau de La Rivière vers 1388. Chevauchant un terre-plein vert, un cerf volant blanc, colleté d’une couronne, se détache sur un fond rouge. Si l’on se fie à la pratique courante qui consiste à donner au cerf autant de cors que l’âge du roi, ce dernier avec ses vingt-et un cors, situerait la facture de la peinture en 1389[64]. Le cerf volant apparaît à nouveau dans le manuscrit des Grandes Chroniques de France peint vers 1390 pour Charles VI où il est employé comme support des armes royales[65]. Les fouilles du puits du donjon du Louvre, en 1984, ont révélé de nombreux éléments décorés du cerf volant. Parmi ces pièces un casque de parade, merveilleusement recomposé, est semé de cerfs volants aujourd’hui disparus mais dont l’emplacement se distingue avec précision en raison des réserves laissés sur la surface du casque. Ces éléments ont permis aux chercheurs d’en proposer une reconstitution probable. On retrouve encore cette devise sur un morceau de harnais de la même provenance et associant le cerf volant à la fleur de lis naturelle[66], sur un carreau de pavement estampé de la salle du trésor de l’ancienne cathédrale Notre Dame de Saint-Omer sans doute réalisé à la fin du XIVe siècle[67], et enfin, sur les vitraux de la chapelle du rosaire dans la cathédrale d’Evreux dont les devises permettent de cerner avec précision la date de leur facture[68].
Cette dernière source, sur laquelle le cerf volant est associé au genêt et au mot EN BIEN, invite à préciser le mot qui était associé à cette devise.
Deux articles du compte de l’Ecurie de 1383 mentionnent le « mot du roi », sans le citer[69]. Les seuls mots apparaissant sur les biens de Charles VI étant EN BIEN et JAMAIS, et le second n’apparaissant que plus tard, on peut supposer que ces articles évoquent le mot EN BIEN qui serait donc adopté par le roi peu après le cerf ailé et les anneaux. On le retrouve, associé au cerf volant, sur le casque du Louvre et les vitraux de la chapelle du rosaire d’Evreux. Contrairement à la lecture du Graal proposée par Colette Beaune[70], aucune source n’associe le mot JAMAIS au cerf volant. Ce dernier semble ne plus être utilisé au moment où ce mot JAMAIS se développe, en lien avec le genêt.
Le mot EN BIEN figure également associé aux anneaux et aux cosses de genêt sur d’autres vestiges du puits du Louvre et, seul, sur un document daté de 1395[71]. Il est encore mentionné dans un poème d’Eustache Deschamps des années 1390 et sur deux bassins à laver dans l’inventaire des joyaux de 1418 à côté du mot JAMAIS[72]. Il semblerait, vu sa rareté dans les sources, que ce mot ait été écarté au profit du mot JAMES qui domine largement l’emblématique de Charles VI après 1395. On notera d’ailleurs que dans l’inventaire de 1418, le rédacteur précise pour le mot JAMAISqu’il s’agit de celui du roi, ce qu’il ne fait pas pour le mot EN BIEN qu’il ne semble pas savoir attribuer. Ce mot, même s’il coexiste un temps avec le mot JAMAIS, disparaît dans les années 1395/96 et peut-être même avant, au profit du second, le cerf et les anneaux auxquels il avait été associé n’étaient plus utilisés depuis 1390 environ pour le cerf et 1388 pour les anneaux.
Lié au cerf volant, le mot EN BIEN pourrait montrer la détermination, la bonne justice et le bon droit du roi face aux Flamands, si l’on admet que ce mot a été pris à cette occasion et que c’était là le sens de cette devise. Associé aux anneaux, il peut également signifier le « bon amour » qui unité le roi à son frère Louis, un sujet épineux. C’est plus certainement dans l’enseignement des bestiaires qu’il faut checrher l’interprétation du mot. Comme nous venons de le voir, le bestiaire de Cambridge associe le cerf au chrétien qui accomplit des bonnes oeuvres et fuit le péché, tout un programme pour un jeune souverain ! Louis de Guyenne reprendra ce mot en le complétant dans la formule DE BIEN EN MIEUX et Charles VII l’utilise sous sa forme exacte EN BIEN.
Il convient encore de préciser, pour compléter les éléments avancés par Colette Beaune, que le cerf volant blanc n’a jamais été associé à des couleurs déterminées. Le fond coloré sur lequel il apparaît, le plus souvent rouge, varie en fonction des articles ou des couleurs portées par le roi au moment de sa mise en scène.
Première devise personnelle du souverain, le cerf volant, en dépit de sa durée malgré tout assez limitée, restera une devise représentative du règne et de la dynastie. Elle illustre les idéaux d’un jeune roi, sous la coupe de ses oncles, à qui tout réussit et que les prophéties et la devise du soleil annoncent déjà comme le contre poids de l’Antéchrist, le dernier empereur qui réunira sous son autorité et sa justice universelle le royaume des temps derniers. Plus concrètement, le cerf volant marque l’entrée du souverain dans la concurrence emblématique que les frères de Charles V et quelques princes se livraient déjà depuis les années 1370. En jouant le jeu des princes, Charles VI fragilise la délicate harmonie du roi sacré établie par Charles V et se place comme un prince parmi d’autres. Il inaugure une nouvelle forme de pouvoir où les signes déterminent et rendent visibles les orientations politiques.
[1] LOMBARD-JOURDAN, Les origines de Carnaval…, appendice VII, le cerf dans la littérature médiévale hagiographique et courtoise.
[2] MERINDOL, « Sainte-Cécile d’Albi », p. 130.
[3] Vienne, ONB, cod. 2551, f°73. Le roi Charles VI et son frère Louis d’Orléans portent chacun un faucon pèlerin allusif à l’auteur, le Vieil pèlerin. Assisté par Humilité et Patience, Charles VI est accosté par le cerf volant symbolisant la justice royale
[4] Sceaux de la Bourgogne, B. 32.
[5] On pourrait penser que cette devise des Valois lui viendrait de son épouse, Anne, fille de Louis XI, qui l’utilisa également. On la retrouve pourtant dès 1462, et donc avant son mariage en 1473, comme support à ses armes sur un sceau, Paris, AN, sceau D. 1049 (1462), de Pierre de Bourbon, comte de Clermont, l’écu y est supporté par un cerf-volant et un cheval ailé.
[6] PROST, Inventaires…, t. I, article 951 (1368) : le duc achète pour 11000 Fr de perles prises en un chaperon et en un fermail de brodeur de la façon d’un roue…(appartenant audit Coucy), « un fermail… de la façon d’un escusson ouquel a un cerf blanc couché… un autre fermail d’or de la façon d’un croissant ouquel a un cerf blanc » ; t. II, article 249, octobre 1378 : « Arnoul Pincoret, paintre… par Mme pour paindre pour elle une lictere vert à cerf d’or… ».
[7] PROST, Inventaires…, t. II, article 216, septembre 1378 : « pour un cerf privey qui a demouré à Rouvre… ouquel temps ledit serf a vequ deux mois de lait et de pain… »
[8] BEAUNE, « Costume et pouvoir… », p. 143.
[9] BEAUNE, « Costume et pouvoir… » et LASSABATERE, « Le bestiaire prophétique… », p. 141-152.
[10] Depuis la fin du XIIe siècle la situation flamande est tendue en raison des intérêts contradictoires des bourgeois dont l’industrie drapière est résolument tournée vers l’Angleterre, tant pour l’approvisionnement en matière première que pour l’écoulement des produits finis, et ceux du comte, souvent vassal du roi de France, qui contraint ses sujets à suivre la politique française de fermeture au marché anglais et abuse des prélèvements fiscaux pour tenir son rang et entretenir ses querelles personnelles. Cette situation s’envenime encore à l’occasion de la guerre de Cent Ans. Au XIVe siècle les « Mâtines de Bruges » et la bataille de Courtrai en 1302, la révolte de Bruges en 1328, celle de Gand en 1337 témoignent de cette instabilité politique. Les projets de réformes fiscales annoncés au début du règne de Charles VI, conformément aux directives laissées par Charles V, sont rapidement abandonnés ce qui provoque de nombreux soulèvements. Les Maillotins se révoltent à Paris, la Harelle regroupe les opposants à Rouen, les Tuchins enflamment le sud de la France et les Flamands profitent de cette agitation pour s’opposer une nouvelle fois à leur comte. Sur ces révoltes voir MIROT L., Les insurrections urbaines au début du règne de Charles VI (1380-1383). Leurs causes, leurs conséquences, Paris, 1905.
[11] DESCHAMPS, pièces 389, 158 et 182. Chronologie établie par LASSABATÈRE, « Le bestiaire prophétique… », p. 142-144.
[12] Cité dans BRITTEN T., « The flying Stag of France », The Coat of Arms, Londres 1992, n°159, p. 311.
[13] , Chronique du religieux de Saint Denys, contenant le règne de Charles VI de 1380 à 1422, BELLAGUET L. éd., Paris, t. I, p. 71.
[14] , JOUVENEL, Histoire de Charles VI, cité dans BEAUNE, « Costume et pouvoir… », note 9.
[15] LEMAIRE J.-Cl., Le roi empoisonné. La vérité sur la folie de Charles VI, Paris, 1977.
[16] LATOUCHE R., L’Histoire des Francs de Grégoire de Tours, Paris, 1963, t. I, p. 130.
[17] VIARD J., Les grandes Chroniques de France, Paris, 1920, p. 81-82 et Ibid., 1922, t. II, p. 95-98.
[18] AURACHER T., Le Pseudo Turpin, Paris, 1887, t. I, p. 290. Colette Beaune cite également l’histoire du compagnon de Charlemagne, Richard de Normandie dans Fierabras, sauvé par un cerf (KROEBER A. et SERVOIS G., La chanson de Fierabras, Paris, 1860, p. 132.) et celle de Godin qui est sauvé par un cerf « qui 32 rais portait et un quartier devant plus blanc que neige en février à destre et le senestrier rouge comme sang, l’autre moitié derrière étant plus noire que le mûrier » (MEUNIER, Godin, Louvain, 1953, p. 70), cité dans BEAUNE, « Costume et pouvoir… », p. 136, note 39 et 40.
[19] ERMONT A., L’Histoire Naturelle de Pline, Paris, 1952, p. 62-64.
[20] DIEDERIK, English Inn signs..., p. 68.
[21] Revers du panneau droit du Diptyque Wilton, Londres, National Gallery.
[22] Selon Colette Beaune, la légende de saint Eustache est d’origine byzantine et passe en occident à l’époque carolingienne. Saint Eustache est converti à la suite d’une vision miraculeuse qui lui annonce la Résurrection. Au XIIe siècle cette version est complétée et la vision apparaît dans le cadre d’une chasse au cerf, Eustache devient un chevalier de Trajan. C’est sous cette forme qu’elle est transmise par Jacques de Voragine (WYZEWA T. de, La Légende dorée de Jacques de Voragine, Paris, 1929, t. 3, p. 618), Vincent de Beauvais (VINCENT de BEAUVAIS, Speculum quadruplex, Douai, 1610, t. 4, p. 338) et Pierre de Natali (PIERRE de NATALI, Catalogus Sanctorum, Lyon, 1514, f°92.), BEAUNE, « Costume et pouvoir… », p. 131. REMENSNYDER A. G., Remembering Kings Past. Monastic Foundation Legends in Medieval Southern France, Ithaca-Londres, 1996.
[23] Le culte de saint Hubert est lié au déplacement des centres religieux de la dynastie durant la guerre de Cent Ans. Avec la passage de Saint-Denis aux mains des Anglais, les cultes de saint Michel et saint Hubert sont réactivés. Ce dernier est le patron de la ville de Liège, alliée naturelle du roi de Bourges contre la Bourgogne pro-anglaise. La vie de ce saint ardennais fut confondue avec celle de saint Eustache, sans doute en raison de la proximité de leurs fêtes respectives. Saint Hubert devint donc un saint chasseur reconverti lors d’une vision où lui apparu un cerf aux bois chargés d’une croix. Les successeurs de Charles VI entérinèrent cette confusion comme en témoignent le vitrail offert par Louis XI à l’église Sainte-Croix de Saint-Lô ou celui donné par Charles VIII à la cathédrale d’Elbeuf. Une chasse de saint Hubert y côtoie une bordure semée de cerfs volants colletés d’une couronne. Saint Félix de Valois est lié à la fondation de l’ordre des Trinitaires dont l’abbaye-mère était l’abbaye de Cerfroid dans l’Aisne. Au début du XVIe siècle, le ministre général de l’ordre, Robert Gaguin développe la légende d’une vision miraculeuse qu’aurait eu saint Jean et saint Félix de Valois. Ces derniers partant à Rome faire approuver les statuts de leur ordre auraient rencontré un cerf blanc ailé, portant entre ses bois la croix des trinitaires rouge et bleue (ROBERT GAGUIN, Compendium super Francorum gestis, Paris, 1501), BEAUNE, « Costume et pouvoir… », p. 132-133.
[24] Dans Erec et Enide, la chasse au cerf est une pratique courante de la cour d’Arthur (LOUIS R., Erec et Enide de Chrétien de Troyes, Paris, 1954, vers. 27 à 1700.), dans le Roman du Graal, La capture du « cerf blanc comme neige et grand et rameux » est une épreuve imposée à Perceval par la demoiselle du château de la forêt (CERQUIGLINI B., Le roman du Graal de Robert de Boron, Paris, 1981, p. 218), BEAUNE, « Costume et pouvoir… », p. 136.
[25] Le Lancelot est mentionné pour être restauré et offert à Isabeau en 1388 (AN, KK 1388) et la Queste del saint Graal est réclamée par le bibliothécaire à cette époque (DELISLE, Le cabinet des manuscrits de la bibliothèque nationale, t . I, p. 49), cité dans BEAUNE, « Costume et pouvoir… », p. 136-137 et notes.
[26] SOMMER H.-O., Lancelot du Lac, Washington, 1913, t. 5, p. 249, BEAUNE, « Costume et pouvoir… », p. 136.
[27] BEAUNE, « Costume et pouvoir… », p. 136 d’après PAUPHILET H., La Queste del saint Graal, Paris, 1972, p. 235 et BEAUNE, Les manuscritsdes rois…, p.156-157.
[28] FROISSART, Chroniques, RAYNAUD éd., t. I0, p. 256-258.
[29] Psaume XLI, v. 2 : « Quemadmodum desiderat cervus ad fontes aquam, ita desiderat anima mea ad te Domine. »
[30] Le livre du roi Modus et de la reine Ratio, TILANDER G. éd., Paris, 1932, p. 116-119.
[31] DELARUELLE E., La piété populaire au Moyen Age, Turin, 1980, p. 329-354 ; cité dans LASSABATERE, « Le bestiaire prophétique… », p. 146.
[32] MAYER P., Les contes moralisés de Nicole de Bozon, Paris, 1889, p. 55-58 , 123-130 et 182.
[33] HENRI de FERRIÈRES, Livre du roy Modus et de la royne Ratio, PAUPHILET A. éd., Paris, 1987, p. 660-661.
[34] SAUVAGE A., « Les insectes dans la poésie romaine », Latomus, Revue d’études latines, t. II9, 1970, p. 269-296.
[35] LASSABATERE, « Le bestiaire prophétique… », p. 148-149.
[36] Le livre de la chasse de Gaston Phoebus, LAVALLEE J. éd., Paris, 1857, p. 32-33.
[37] Froissart se réjouit d’ailleurs de la victoire de Roosebecke par ce que : « celle desconfiture fu très honnerable et prouffitable pour toute chrestienneté et pour toute noblèche et gentillèche ; car si li villain fussent là venu à leur entente, onques si grans cruaultés ne oribletés n’avinrent au monde, que il fust avenu par les communautés qui se fuissent partout revelées et destruit gentillèce », FROISSART, Chroniques, KERVYN éd., t. I0, p. 173.
[38] Les révoltes, en partie dues au rétablissement des fouages, démarrent à Béziers en septembre 1381, puis ce sont les Tuchins en Auvergne et dans le Languedoc en novembre et décembre 1381, Rouen en février 1382 et Caen, Falaise, Amiens, Saint-Quentin, Reims, Mantes, et la révolte de Maillotins à Paris. Les répressions sanglantes se poursuivent jusqu’à l’hiver 1383. A ce sujet lire AUTRAND, Charles VI.
[39] « car ce n’est pas bonne cose, ne deue de tel ribaudaille, comme ils sont ores en Flandres, laissier gouverner un païs, et toute chevalerie et gentillerie poroit estre honnie et destruite et en conséquent sainte chrestienté », FROISSART, Chroniques, KERVYN éd., t. I0, p. 63.
[40] HUIZINGA, L’automne…, p. 108.
[41] Froissart raconte la colère de Charles VI quand on lui présenta les éperons d’or des chevaliers français morts à Courtrai et pendu dans l’église Notre-Dame où avait lieu chaque année un cérémonie commémorant cet événement. FROISSART, Chroniques, KERVYN éd., t. I0, p. 178.
[42] WITHE T. H., The Book of Beasts, New York, 1954, p. 38.
[43] LASSABATERE, « Le bestiaire prophétique… », p. 148-149.
[44] En 1379, Richard II commande cinq broches chargées du cerf blanc, d’après RILEY H.T., Memorials of London and London Life in the XIIIth, XIVth and XVth Centuries, Londres, 1868 et EVANS J., History of jewellery 1100-1850, Londres, 1950, p. 64.
[45] L’apparition de cette devise n’est pas datée avec précision, ce qui ne permet pas de consolider cette hypothèse, quant à la chaîne, elle ne figure pas systématiquement au cou du cerf. On peut y voir le symbole des liens du mariage adopté soit en 1382 après l’union de Richard II avec Anne de Bohême, soit en 1396 après son mariage avec Isabelle de France.
[46] Mars 1395, début des négociations pour le mariage de Richard II et d’Isabelle de Valois, fiançailles le 12 mars 1396, mariage le 4 novembre.
[47] Inventaire de la Grande Ecurie, 7 février 1421, art 172 : « item, une celle de parement, couverte de veluiau vermeil, à cerfs volans de la devise du roy d’Angleterre, et n’y a point de harnoys », cité dans DOUËT d’ARCQ, Choix de pièces … L’édition du même compte par BILLAUD donne « cerfs couchants », peut-être Douet d’Arcq a-t-il mal lu ?
[48] FROISSART, Chroniques, KERVYN éd., t. I0, p. 66.
[49] LEPROUX, Comptes de l’écurie…, 1382 : article 117 : « A Henri Gontier, brodeur, pour avoir fait deux jaquettes, c’est assavoir une sur satin vermeil taint en graine, la poitrine et les manches fretees de brodure et feulles d’or soudiz et es quarrefours losenges a houppes d’or de Chipre et au milieu desdittes losaenges un cerf blanc d’or mié et les elles d’or et est laditte jaquette depuis le faulx embas par dessous raié d’or trait de Chipre, laquelle a esté faite le plus richement que on a peu, pour or, soie et façon ( payé en septembre 1382) », article 123 : « Audit Ymbert pour la façon d’une jaques a cerfs volans pour or trait... », article 127 : « pour la façon de deux estendars, l’un de satin vermeil et l’autre de satin asuré sur lesquelx 2 estendars a 4 cerfs d’or miez dont les elles sont d’or soudiz... », article 159 : « pour 8 onces et 3 esterlins d’argent mis et emploié a faire deux grans cerfs volans dont les elles d’iceulx sont dorées et ont entour le col couronnes d’argent dorez esmaillez, l’un pour le roy et l’autre pour monseigneur de Valois, lesquielx furent mis sur les capelines desdiz seigneurs fermans à viz, delivrez le premier jour de mars 1382... », article 166 : « pour la façon et estoffes de 4 jaques et jaquettes dont les deux furent de satin taint en graine et les autres deux de satin azuré sens destraindre, et en furent deux ouvrees de perles et de brodure, l’une de leviriers et l’autre de cerfs volans et les autres deux brodés d’autres devises... », article 174, perles décousues d’une jaque de Charles V et mises : « premierement es deux jaques et jaquettes pour ledit seigneur faites et semées de cerfs volans... ».
[50] LEPROUX, Comptes de l’écurie…, 1383, article 210 : « pour un chapelet fait de brodure a 4 cerfs blans volans et ennelez d’or et d’argent de Chipre pour mettre sur le chaperon au bacinet du Roy... », article 220 : « pour la façon de deux estendars, l’un fait sur satin vermeil et l’autre sur satin azuré, fais de brodeure l’un a grant cerf volant semé tout au lonc d’ennelés d’or et d’argent et l’autre a deux grans anneaux d’or et d’argent et semé tout au lonc de petits ennelés... », article 240 : « A Hennequin Du Vivier, orfevre, pour or mis et emploié en la garnison d’une espee de Clermont pour ledit seigneur, c’est assavoir le pommel d’icelle fait a esmaulx et la chappe de la croix a cerfs volans de deux costez... », article 241: « pour or mis et emploié en la garnison d’une autre espee pour ledit seigneur appellee Vitoire, laquelle a esté faite c’est assavoir le pommel garny d’or esmaillé d’un costé a un ymaige de Notre Dame et l’autre costé aus armes de France et la Chappe de la croix a cerfs volans de deux costés... », article 247 : « Pour or mis et emploié par ledit orfevre en la garnison d’or de deux bacinés pour le Roy, l’un a couronne d’or faut de très grant ouvraige et garny d’or... et a dessus le bacinet un cerf volant d’or fin esmaillé de blanc ».
[51] Ibid., Dépences pour les joutes et fêtes de Cambrai, avril 1385, articles 647, 648, 649, 650, 668, 677, 679, 686, 687, 704, 707, 737, 766, 768, 769, 770, 772.
[52] Ibid., 1386, articles 1003, 1006, 1008, 1042, 1060, 1065, 1067, 1069, 1075, 1077, 1078, 1080, 1098, 1101.
[53] Ibid., 1387, articles 1437, 1444, 1446.
[54] DOUËT d’ARCQ, Nouveau recueil…, Argenterie du roi pour le terme de la saint Jean 1387, p. 8-319.
[55] DOUËT d’ARCQ, Choix de pièces …, Inventaire de la Grande Ecurie de 1421 : article 168 : « item, une celle de guerre de veluyau vermeil à cerfs volans et à genestes », article 171 : « item, une celle de veluiau vermeil, ouvrée de broderies à cerfs volans et à geneste », article 172 : « item, une celle de parement, couverte de veluiau vermeil, à cerfs volans de la devise du roy d’Angleterre, et n’y a point de harnoys », article 194 : « item, un estendart des satin rouge, blanc et noir, et un cerf volant qui a une couronne ou col, de broderie, tout semé de geneste », article 195 : « item, une couverture entière de veluiau vermeil, à cheval, à un cerf volant semée de chapellez de genestes », article 195 : « item, une couverture entière de veluiau vermeil, à cheval, à un cerf volant semée de chapellez de genestes », article 222 : « item, six estandars de satin vermeil de broderies, à cerfs volans de broderie et de genestes », article 238 : « item, deux pavais, l’un couvert de veloux à cerfs volans et anneles, et l’autre couvert de cuir rouge semé à cerfs volans » ; Inventaire de biens trouvés au Louvre dans l’Ecurie du Dauphin, duc de Guyenne : article 290 : « une autre selle de veloux vermeil brodée de sefs volans et genestes, découppée tout autour à houpectes de soye ». Inventaire de Louis d’Orléans 1388, « un gobelet d’or a l’esmail d’un cerf volant », LABORDE, Les ducs…, , t. 3, 35.
[56] AUTRAND, Charles VI, p. 221. Le tombeau est connu par un dessin de la collection Gaignières.
[57] PROST, Inventaires…, article 616.
[58] Ibid., t. II, article 1363 : « le roy dîna en l’hostel de Neelle chez le duc de Berry, et le duc de Bourgogne, fit présent en cette occasion a sa majesté d’un gobelet d’or… à deux terrasses où il y avoit deux cerfs volants avec plusieurs chiens et bestes sauvages ».
[59] Ibid., t. II, article 2501.
[60] Ibid., t. II, article 3448, sur ces fêtes voir PETIT, Entrée du roi Charles VI à Dijon et Itinéraires….
[61] GRAVES, Quelques pièces relatives à la vie de Louis Ier, inventaire des biens du duc d’Orléans en 1408, article 292 : « ung autre fermail d’or à ung cerf volant blanc, et un balay sur l’espaule » ; MORANVILLE, Inventaire de Philippe le Bon…, article 696 ; GAY, Glossaire archéologique du Moyen Age, p. 675, Inventaire d’Olivier de Clisson : « un estendart de sendal vermeil à un cerf vollant ».
[62] VEILLIARD et MIROT, Inventaire des lettres…, p. 107, 9 : 7 décembre 1387, le roi Jean d’Aragon mande au vicomte de Roda, son chambellan, de faire comprendre à Charles VI que le roi aurait plaisir à recevoir son ordre du Cerf Volant et à lui envoyer son ordre de l’Aigle. Il le charge de commandes d’orfèvrerie (reg. 1954, f°33 ; catalan), p. 110, 20 : 12 juin 1388, Le roi Jean accuse réception à Charles VI de ses lettres au sujet des galères aragonaises prêtées au roi. Il portera avec plaisir la décoration du cerf volant et lui envoie celle de l’Aigle (reg. 1954, f°35 ; catalan), p. 119, 66 : 18 décembre 1389, Jean Ier remercie Charles VI de l’envoie de ses ordres du cerf volant et de la Genete que lui a apporté le vicomte de Roda et lui envoie l’ordre de l’Aigle (reg. 1657, f°60 ; catalan)
[63] FROISSART, Chroniques, KERVYN éd., t. 14, p. 11 : « Ou plain de ce chastel… avoit une garenne et grant foison de ramée… et de ce bois ou ramée… yssi ung blanc cerf [a esles d’or et couronné au col d’une grande couronne d’or] delès le lit de Justice… ».
[64] Paris, Bibliothèque de l’Arsenal, Ms. 2682-1683, f°34v°.
[65] Paris, BN, Ms. Fr. 2608, f°1.
[66] Reconstitution du casque de Charles VI, PLISKA et MERLUZZO, « Etude et restauration… », p. 29, planche 6. FLEURY M. dir., Catalogue de l’exposition Casques Royaux, musée de l’Armée du 9 février au 15 mars 1989, Paris, 1989. La description exacte de ce casque reconstitué a été retrouvée dans les comptes de l’écurie du roi, datés de 1411 deux chappeaux de fer dorez, hachiez à fleurs de liz, l’un à couronnes et à Dauphins et y a autour VI escuçons des armes de Mons, le Daulphin, et l’autre semblablement doré à fleurs de lys eslevées à une couronne et au dessoubz des cefs volans et a un mot qui dit EN BIEN et au dessuz une fleur de liz » (A.N. KK 35).
[67] NORTON, Carreaux de pavement, p. 60 et groupe XXI, n° 128, p. 125 et 127.
[68] Le décor de la partie supérieure de la baie, très probablement déplacée, comporte différents éléments emblématiques qui permettent d’y voir une donation de Charles VI. La plus récente étude de ces vitraux propose, à partir des travaux de Colette Beaune, une datation en 1387 et 1400 (GOSSE-KISCHINEWSKI et GATOUILLAT, 1997, p. 135). Cette fourchette peut être resserrée de quelques années grâce aux devises. Ces verrières sont en effet décorées du cerf volant, du mot EN BIEN et du genêt. Le genêt donne la date ante quem de ces vitraux : 1387. La disparition du mot EN BIEN après 1395 et celle de cerf volant après 1390 permettent à leur tour de proposer comme terminus a quo du décor les années 1390, ce qui donne une fourchette de trois ans comprise entre 1387 et 1390.
[69] LEPROUX, Comptes de l’écurie…, compte de 1383, article 244 : « Et pour la façon et pour tailler le mot dudit seigneur autour (de l’épée du roi) », et article 253 : « Pour or mis et emploié en la garnison d’or d’une dague pour le Roy et en la garnison de la virolle d’un fer de lance pour ledit seigneur taillé à ses armes et à son mot, pour ledit or.. ».
[70] BEAUNE, « Costume et pouvoir… », p. 136.
[71] Il s’agit de l’Epistre au roi Richard II de Philippe de Mézières, Londres, BL, Roy. MS 20 B. VI, f°1, étudié dans DURRIEU Cte P., L’union des couleurs nationales de la France et de l’Angleterre au XIVe siècle en vue de la Conquête de Jérusalem, Paris. Le mot En Bien y souligne le soutien que Charles VI accorde à ce beau projet. Richard II y est d’ailleurs associé au mot Sans Départir « Sans tarder » qui montre la détermination du souverain anglais et sa volonté de ne pas retarder l’exécution du vœu - qui restera d’ailleurs lettre morte. Cet exemple souligne en tous cas une alliance et un dialogue emblématique entre Richard II et Charles VI alors en trêve depuis 1388.
[72] DESCHAMPS, t. V, ballade MLVIII, p. 348 (citée infra note 2320) ; DOUËT d’ARCQ, Choix de pièces …, Inventaire de 1418 dressé à l’occasion du remplacement de Jacques Lempereur par Jean de Poligny comme garde des joyaux du roi, art 11 : « item, deux bassins d’argent dorez, à laver, taillez sur les bors et poinconnez dedans au mot du roi qui dit : Jamais, et ou milieu à chascun a un esmail aux armes de France, et un mot qui dit : En Bien, pesant XV marcs, VI onces ».