devise

emblématique et héraldique à la fin du Moyen Âge

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Rose blanche ?

Une rose blanche

Période
1380-1440
Aires géographiques
France
Personnage
Isabeau de Bavière
Famille
Wittelsbach
Devises associées
rose blanche

Une rose blanche

Une autre devise supposée d’Isabeau de Bavière est la rose, fréquemment associée à la couleur blanche. Plusieurs mentions d’inventaires et de comptes en rapport avec la reine évoquent en effet cette figure[1].

 Les sources relatives au début du règne mentionnent à plusieurs reprise le motif du bouton de rose, qu’il s’agisse de la comptabilité royale, des présents faits à la reine ou du célèbre casque de Charles VI[2]. Dans le langage courtois de la fin du XIVe siècle, le bouton de rose symbolise l’amour naissant. On le retrouve dans ce sens sur une broche en plomb retrouvée dans la Seine et associée au mot GENTIL BOUTU[3]. Dans son Roman de la Rose, qui connaît une grande vogue au début du XVe siècle à la cour de Charles VI autour de la querelle littéraire animée par Christine de Pizan, Guillaume de Lorris fait du bouton de rose l’objet du désir et de la poursuite de l’amant. Sur un rosier, il cueille un bouton, symbole de sa dame « qui doit estre rose clamée »[4]. Le casque du Louvre pouvant être indéniablement attribué à Charles VI et le bouton de rose étant le symbole de l’amour naissant, il est fort probable que cet élément de parade ait été réalisé au moment de l’union du roi avec Isabeau de Bavière. Célébré dans la précipitation le 17 juillet 1385 à Amiens, le mariage du roi n’a pas été l’occasion des réjouissances habituelles. Le couple est séparé aussitôt puisque le roi repart en guerre. Ils se retrouvent en septembre mais se rencontrent rarement et ce n’est qu’à partir de janvier 1386 qu’ils mènent véritablement une vie commune. C’est sans doute à cette époque, à l’occasion d’une joute où d’une fête, que le roi arbore ce casque en hommage à sa jeune épouse. En 1387, il se fait réaliser une jaquette brodée de sa devise des anneaux doubles – qui l’associe sans doute à Louis d’Orléans, de la ceinture ESPERANCE – qui l’associe à Louis II de Bourbon - et de boutons de rose[5].

Est-ce un hasard si Philippe le Hardi choisit précisément ce motif décoratif pour le présent d’étrennes de la reine en 1389 à qui il offre « un autre hanap d’or couvesclé, poinçonné à rosiers et à roses… »[6] ? A l’occasion des noces de sa suivante Catherine de Fastavarin en 1388, la reine lui offre plusieurs vêtements blancs semés de rosettes[7]. La statue d’Isabeau de Bavière au-dessus de la salle des pas perdus de Poitiers, datant des années 1389, représente également la reine une rose à la main.  On sait encore que Charles VII reprendra cette devise dans son emblématique qui semble associer le cerf volant paternel à la rose maternelle (voir ce personnage). Isabelle de Valois adoptera pareillement la devise de la rose et une des robes de son trousseau semble inspirée par les vêtements de sa mère[8].

 En fait la rose semble être une devise couramment utilisée à cette période par les princesses[9]. La reine Jeanne de Bourbon et Charles V possédaient plusieurs articles à cette devise et Marguerite de Flandre reçoit de son époux de nombreux dons à cette figure[10]. Les roses d’or pontificales et la polémique entamée autour du Roman de la rose au tournant du siècle (1401-1402) ont sans doute contribué au succès de cette fleur. Mais la rose, symbole marial, gage d’amour courtois et de fidélité conjugale[11], reste, d’une façon générale, un attribut de la féminité.

Parmi les devises végétales de la reine, Vallet de Viriville lui attribue également la fleur de bourrache et la fleur de fenouil[12]. La bourrache, petite fleur bleue, est occasionnellement citée, associée à l’emblématique de la reine[13]. Selon le bourgeois de Paris, en 1411, le comte de Saint-Pol, Valeran de Luxembourg, alors capitaine de Paris, porte sur son étendard des fleurs de bourrache[14]. Est-ce en référence à la reine qu’il déploie un étendard à cette devise ? On notera d’ailleurs qu’en botanique le mouron des champs est très proche de la bourrache. Mais là encore, cette devise est si fréquente dans les inventaires princiers qu’il reste délicat de l’attribuer avec certitude à la reine. Au sein de cette emblématique végétale il faut mentionner le dessin particulier de la couronne qui surmonte les armes de la reine sur un tympan de porte dans la sainte Chapelle de Vincennes. Le type des fleurons de la couronne – des feuilles de chêne ? - est si particulier et inédit qu’il contient certainement un sens emblématique. Plusieurs éléments de cornières retrouvés dans le donjon du Louvre sont gravés de feuilles d’un dessin fort approchant.

 A travers son emblématique, la reine apparaît finalement comme une émanation du roi et non comme une personnalité indépendante au contraire d’autres princesses de son temps comme Marguerite de Flandre ou Valentine Visconti. Il est également intéressant de souligner que, contrairement à cette dernière, Isabeau arrive en France visiblement dépourvue de toute emblématique paternelle ou familiale ce qui semble établir qu’à la fin du XIVe siècle les Wittelsbach de Munich n’avaient pas encore adopté ce mode de représentation princière, malgré leurs nombreux liens familiaux avec les Visconti.

Notes

  1.  DOUËT d’ARCQ L., Nouveau recueil de comptes de l’argenterie des rois de France, Paris, 1874, Argenterie du roi pour le terme de la saint Jean 1387, Chambres pour le roi et la reine : « A Martin Didele, coustepointier... pour avoir appareillé et mis à point une chambre de satin blanc pour madame la Royne, où il y avoit ciel, dossier, coustepointe et trois sourtines de taffetas blanc. En laquelle il avoit trois grans K de broderie, assis et rapportez sus ladicte coustepointe, les roses et armoirie pourfillées de soye, ycelles rubannées, et mis anneaulx et franges », « A Jehan de Jaudoine, tappissier... pour sa peine et sallaire d’avoir rappareilliées et mises à point... une grande chambre de satin blanc, ouvrée de broderies et armoriée des armes de France, à une grant rose ou milieu... et laquelle chambre a esté délivrée à madame la Royne... », « Ledit Mandol, pour la fourreure d’une longue houppellande de satin vermeil pour ledit seigneur, le 27 jour de janvier 1386, brodée à roses et à seintures et plumes entrelacées et annelés d’or et d’argent... », « Ledit Simon pour la fourreure de deux paire de manches les unes d’escarlate rosée et les autres de drap de soye sur champ blanc semé de rosettes... ».
  2.  La « défense de tête » retrouvée dans le puits du donjon du Louvre vient peut-être confirmer l’usage de cet emblème par la reine.  L’attribution à Charles VI de cet élément de parade, recomposé à partir d’une multitude fragments retrouvés en 1984, a été rapidement établie par les « inventeurs » de la pièce (MERLUZZO P. et PLISKA P., « Etude et restauration du casque de parade de Charles VI », Cahiers de la Rotonde, n° 16, Paris, 1995, p. 5-30.).  La présence du cerf volant dans le décor y invitait. Mais la reprise de cette devise par les successeurs de Charles VI imposait de conforter cette hypothèse. La mention d’un casque de parade en tous points identique à celui-ci dans l’inventaire de l’Ecurie de 1411 a permis de confirmer ces suppositions : « deux chappeaux de fer dorez, hachiez à fleurs de liz, l’un a couronne et a Dauphins et y a entour VI escussons des armes de Monseigneur le Dauphin, et l’autre semblablement doré a fleurs de lis eslevées a une couronne et au dessoubz des cefs volants et a un mot qui dit EN BIEN et au dessubz une fleur de liz » (Paris, AN, KK 35, voir aussi FLEURY M. dir., Casques Royaux, Catalogue de l’exposition du musée de l’Armée du 9 février au 15 mars 1989, Paris, 1989). Les auteurs qui se sont penchés sur cette pièce se sont contentés de la dater du règne de Charles VI soit une fourchette chronologique de quarante ans. Les éléments emblématiques qui la décorent permettent pourtant de resserrer cette datation. Le cerf volant apparaît dans l’emblématique royale en 1382 et disparaît progressivement à partir des années 1390. Le mot EN BIEN semble être adopté vers 1383 et abandonné entre 1390 et 1395. Ces deux indices permettent donc de dater le casque au plus court entre 1383 et 1390. Mais cette fourchette exclut le fait que les deux casques cités dans l’inventaire de 1411 aient été fabriqués en même temps. En 1390, le Dauphin Charles, mort et né en 1386, ne peut être concerné par le casque à Dauphins et Louis de Guyenne n’est pas encore né. Il se pourrait d’ailleurs que l’article de compte ne désigne pas le casque trouvé au Louvre. Selon ce passage, les deux casques sont « hachiez à fleurs de liz », c’est-à-dire que leur fond est gravé de petites fleurs de lis, ce qui n’est pas le cas du casque du Louvre. Toutefois le responsable de l’inventaire a pu appliquer de façon erronée le décor d’un des casques à l’autre. Le reste des éléments cités dans l’inventaire concorde parfaitement avec le casque du Louvre : couronne de fleurs de lis, émaux aux armes, cerfs volants et mot EN BIEN.  Ce sont pourtant les « hachures » du fond du casque qui permettent de proposer une datation plus précise. L’ensemble du casque est en effet gravé de branches de roses et de boutons de roses. Charles VI lui-même ne semble pas avoir fait usage de cette figure que reprendra en revanche son fils Charles VII. Dans la fourchette de datation proposée, le seul végétal utilisé par le roi est le genêt, à partir de 1387. Passée cette date, cette devise connaît un tel succès qu’il serait très surprenant que Charles VI ait choisi un autre motif végétal pour orner un de ses éléments de harnois. La devise de la rose est en revanche à rapprocher d’Isabeau de Bavière. On a vu que plusieurs sources laissent supposer qu’elle utilisait ce végétal avec un sens emblématique. Toutefois, les branches gravées sur le casque ne représentent pas exactement des roses mais seulement des boutons de rose dont aucun n’est ouvert. Il faut donc supposer une intention précise à ce motif.
  3. BRUNA D., Les enseignes de pèlerinage et les enseignes profanes au Musée national du Moyen Age, Paris, 1996, pièce, n°568.
  4.  Le Roman de la Rose, POIRON D. éd., Paris, 1974, p. 44, vers 43-45 et p. 81-83, vers 1615 à 1683.
  5.  DOUËT d’ARCQ, Nouveau recueil…, Argenterie du roi pour le terme de la saint Jean 1387 : « A lui pour la broderie faicte par lui en et sur deux jaquettes de veliau vermeil en graine, l’une pour le roy nostre dit seigneur et l’autre pour monseigneur le duc de Thouraine, c’est assavoir, avoir fait de broderie deux grans bandes de fil d’or trait de Damas, du large de une palme, qui se prennent au costé destre au dessoubz desdictes jaquettes, et vont par dessus l’espaule tout autour, et se lassent les derniers bous au laz du costé senestre, et est en manière d’un grant annel ouquel il a un autre petit annel pendant, fait et ouvré de semblable broderie, dedens lesquelz il a fait de grosses lettres faictes de fil d’or trait, qui dient ESPERANCE, et entre chascune lettre grosses frèzes ou boutons, ouvrez et fais de fil d’or trait, ouvrez et fais de fil d’or trait. Et pour lassier pardevant lesdictes jaquettes, sont fais et ouvrez de broderie gros bouton d’or trait, et sont yceulz annelés ouvrez par dedens de fin or de Chippre et de soyes menuement ouvré, et lesidz anneaux bordez sur le hault, tout autour, de fil d’or trait de Damas... ».
  6.  PROST B. et H., Inventaires mobiliers de Philippe le Hardi, 2 vol., Paris, 1908, article 3092, étrennes 1389.
  7.  « un mantel à parer de drap d’or, le champ blanc à rosettes et à branchettes… », « un autre corset de drap d’or sur champ azur ouvré à rosettes et broché d’or… », « un corset de drap de soye baudequin sur champ blanc à rosettes», etc…, cité Grandeau, « De quelques dames qui ont servi la reine Isabeau de Bavière », p. 185.
  8.  MIROT L., « Un trousseau royal à la fin du XIVe siècle », Mémoires de la Société de l’histoire de Paris et de l’Ile de France, xxix, Paris, 1902, p. 139-151 : « Item, un autre robe royal, de veloux vert, ouvrée de broderie à branches de mouron, et y a oiseaux et fleurettes en manières de roses, tout de perles, laquelle robe est de iiij garnemens, c’est assavoir, chappe, surcot ouvert, mantel à parer, et cotte simple, fourée de menuvair et pourfillez de letices, et le mantel à parer fourré d’armines. ».
  9.  Sur la diffusion de ce thème voir KOVACS E., L’âge d’or de l’orfèvrerie parisienne au temps des princes Valois, Dijon, 2004, « La rose, métamorphoses d’un motif », p. 181-193.
  10.  DELISLE L., Mandements et actes divers de Charles V (1364-1380), Paris, 1874, article 1545 : chambre verte, blanche et rouge avec roses (1377). LABORDE L. comte de, Inventaire des meubles et joyaux du roi Charles V (21janvier 1380), Paris, 1851, article 86 : « item, un signet d’un petit ruby, assis en un annel, où dedens est gravée une rose couronnée, où dedans est escript Charles... ».
  11.  Sur la symbolique de la rose voir La Chasse à la licorne, p. 120 à 124.
  12.  VALLET de VIRIVILLE, Isabeau de Bavière…, p. 33.
  13.  LEPROUX G.-M., Comptes de l’écurie du roi Charles VI, vol. 1, Paris, 1995, article 1141 (1386) : « Pour une selle de roncin de la façon du Roy et garnie de cordouen vermeil, de tasses de Hongrie et de harnoiz de cuir, cloee de cloux de fer faiz en maniere de feulles de boureche, laquelle fu donne et baillié du commandement dudit seigneur a Jehannet d’Estouteville... », article 1437 (1387), (cité supra note 1825).
  14.  Journal d’un Bourgeois de Paris, 1411, p. 45 : « Le comte de saint Paul et toute sa puissance, qui lors estoit capitaine de paris, et portoit en sa bannière fleurs de bourraches».

Bibliographie

AUTRAND F., Charles VI, Paris, 1986.

GRANDEAU Y., « Itinéraires d’Isabeau de Bavière », Bulletin Philologique et historique du Comité des travaux historiques et philologiques, année 1964, t. II, Paris, 1967, p. 569-670.

GRANDEAU Y., « De quelques dames qui ont servi la reine Isabeau de Bavière », Bulletin philologique et historique, t. II, 1975, Paris, 1977, p. 129-238

VALLET de VIRIVILLE A., La bibliothèque d’Isabeau de Bavière, Paris, 1858.

VALLET de VIRIVILLE A., « La bibliothèque d’Isabeau de Bavière, reine de France. Etude historique », Bulletin du bibliophile,  Paris, 1859.

VALLET de VIRIVILLE A., Isabeau de Bavière, reine de France, Paris, 1859. 

THIBAULT M., Isabeau de Bavière, reine de France. La jeunesse, Paris, 1903 ; KIMM H., Isabeau de Bavière, reine de France, Munich, 1969 

REHM U., « Isabeau de Bavière, Königin Frankreichs », Das goldene roessl, 1995, p. 13 à 35.

Autres devises pour Isabeau de Bavière

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