devise

emblématique et héraldique à la fin du Moyen Âge

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Ecu d’or

Un écu d’or parfois associé au mot ALLEN

Période
1360-1410
Aires géographiques
France
Personnage
Louis II de Bourbon
Famille
Bourbon
Devises associées
écu d’or
Mots associés
ALLEN
Couleurs associées
bleu/blanc

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Le duc Louis II accompagné des membres de son ordre de l’Ecu d’or renouvelle l’hommage d’un vassal. Hommages du comté de Clermont-en-Beauvaisis. Paris, BNF, Ms. Fr. 20082, fol. 71.

1367-1410†

Un écu d’or parfois associé au mot ALLEN

Quelques mois après avoir adopté la devise de la ceinture ESPERANCE, le jour de l’an 1367, Louis II de Bourbon fonde un ordre chevaleresque intitulé ordre de l’Ecu d’or dont les membres portent une broche dorée en forme d’écu chargé du mot ALLEN[1]. l’Ecu d’or semble avoir eu un usage beaucoup plus spécifique que la ceinture et d’abord lié à la cour et à l’hôtel ducal. En rentrant de captivité, Louis II avait reçu de son procureur, Huguenin Chauveau, un recueil des fautes commises par ses vassaux durant sa captivité anglaise (1358-1366), le Livre Peloux. Plutôt que de punir ses vassaux, le duc préfère les regrouper et les fidéliser dans le cadre de cette compagnie de l’Ecu d’or. Là encore la notion d’ordre qui est liée à cette devise est à considérer selon les critères du temps. Le duc stipule qu’il attend de ses titulaires qu’ils se promettent mutuellement fraternité, qu’ils s’élèvent contre le blasphème, qu’ils honorent les dames et damoiselles et n’en médisent pas, qu’ils s’entraident. En bref tout ce qui, comme Louis le précise, « appartient à tout honneur et chevalerie ».

 En dehors de la chronique de Cabaret d’Orville précédemment citée, l’existence de cette devise est confirmée par de nombreuses sources iconographiques et textuelles comme par exemple cet « écusson d’or de touches à lettres parmi » que Philippe le Hardi offre à son beau-frère pour les étrennes de 1368[2]. Plusieurs auteurs ont supposé le rapide déclin de cette devise, déclin pourtant contredit par les sources[3]. Les miniatures des Hommages du comté de Clermont[4], compilés entre 1373 et 1376, et conservées par un relevé réalisé pour Roger de Gaignières, présentent encore le duc et sa suite portant sur la poitrine l’écusson d’or, devise de l’ordre. Il s’agit de ceux que les sources désignent comme les membres de l’Ecu d’or. Les couleurs de leur houppelandes, bleu et blanc, sont encore celles que revêtait la suite ducale à l’occasion de la visite de l’empereur Charles IV à Paris en 1377. La similitude entre l’écu de Bourbon (France à la bande de gueules) et la devise de l’Ecu d’or telle qu’elle est décrite dans la Chronique (d’or à la bande de perle ornée du mot ALLEN) autorise des substitutions graphiques a l’instar de ce que l’on observe sur le sceau en pied de Louis II utilisé entre 1380 et 1394, sur lequel l’écu ducal, suspendu de biais à une colonne - dans le prolongement de la bande - évoque l’Ecu d’or, porte aussi à sa base le mot ALLEN associé à l’ordre[5].  Ce mot figure également sur le décor lapidaire du palais ducal de Moulins, associé aux armes Selon le père Ménestrier, on trouvait au XVIIe siècle des écus d’or représentés à divers endroits au château de Clermont-en-Beauvaisis[6].

L’interprétation probable de cette devise est à trouver dans la Bible, dans les Chroniques, au chapitre 9, qui rapportent que le roi Salomon reçu de la reine de Saba 666 talents d’or dont il fit deux cent boucliers d’or. Ce même thème se retrouve dans le livre des Rois (1, 10 : 16-26). Reprenant ce passage, un bestiaire de la fin du XIIe siècle glose sur l’épisode et rapporte qu’avec l’or Salomon réalisa des boucliers qu’il donna à ses guerriers les plus chastes et les plus courageux chargés de défendre leurs frères du Démon[7]. Le lien entre l’ordre de l’Ecu d’or de Louis II de Bourbon et ce paragraphe semble évident et annonce peut-être déjà les projets de croisade du duc puisqu’à cette date son vœu  de se croiser a déjà été prononcé[8]. Cette devise doit sans doute se comprendre en lien avec les deux autres principales devises employées par le duc à cette période : la ceinture ESPERANCE et la colonne qui renvoient aux thème des trois vertus théologales : FOI, ESPERANCE, CHARITE. Notons également que la colonne associée à l’écu et à la ceinture sont des attributs de l’allégorie de la Chasteté, thème déjà présent dans le commentaire du Bestiaire[9]. Le bouclier lui-même est associé à la vertu de la Foi comme le rappellent les Epîtres de saint Paul (Ephésiens 6, 16) qui proclame « ayez toujours en main le bouclier de la foi, grâce auquel vous pourrez éteindre tous les traits enflammés du mauvais »[10].

La coexistence de ces différentes devises distribuées en colliers ou broches de livrée et parfois qualifiées d’ordres a entraîné une grande confusion chez les auteurs modernes[11]. A la suite d’André Favyn beaucoup ont soutenu l’existence d’un ordre du Chardon. Si cette devise semble effectivement avoir été portée par certains membres de la maison de Bourbon, il ne semble pas que Louis II en ait fait usage ni qu’aucun ordre de ce nom n’ait été fondé sous son principat ni sous celui de ses successeurs.

 On retrouve encore l’Ecu d’or sur les broches portées par les trompettes précédant le cortège de mai sur la miniature des Très riches Heures du duc de Berry peinte en 1415. Un membre du cortège, vêtu en mi-partie noir et bleu, pourrait d’ailleurs bien être le jeune Jean Ier. Ces deux couleurs seront portées par son fils Charles. L’apparition de cette devise sur des tenues de domestiques de l’hôtel ne doit pas laisser croire à la dépréciation trop rapide de l’Ecu d’or. En effet les sources confirment que les trompettes portent alors souvent une broche à la devise de leur maître. On pourrait au contraire en déduire qu’en 1415 encore les ducs de Bourbon conservent l’usage de cette devise.

 La lecture du mot ALLEN, pose quelques difficultés. Pour certains, il s’agirait d’un terme de bourbonnais ancien signifiant allons mot à compléter par Allons... tous au service de Dieu. M.  Steyert en donne une lecture à mon sens plus vraisemblable en précisant que ce terme n’est pas du patois forésien mais le terme saxon all : tous[12]. Ce sens correspondrait assez avec la finalité de l’ordre, réunir les barons du Bourbonnais au service de leur duc. L’influence de l’Angleterre sur les devises de Louis II semble encore ici évidente.

 Le mot ALLEN fonctionne par ailleurs de façon isolée ou associé à d’autres devises comme celle de la colonne torsadée (voir colonne).

 Il faut donc voir dans cette devise de l’Ecu d’or une livrée curiale destinée à honorer et à fidéliser les vassaux du duc entre lesquels elle établit un lien d’égalité formelle centrée sur la personne de Louis II. En les réunissant dans un ordre, le duc transforme la relation verticale humiliante qui le liait à eux en une honorable relation horizontale bien plus valorisante.

L’Ecu de Bourbon surmonté du mot ALLEN sur la façade du palais ducal à Moulins

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L’écu de Bourbon confondu avec l’écu d’or ? La devise de la colonne associée au mot ALLEN et supportant l’écu aux armes et le cimier du duc.

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Notes

  1.  « Et le jour de l’an, le bon duc se leva assez tôt pour recevoir ses chevaliers et seigneurs et se rendre à l’église Notre Dame de Moulins. Et, avant que le duc ne quitte sa chambre, il voulu les admettre dans un nouvel ordre qu’il avait créé qui s’appelait l’Ecu d’Or. Et sur cet écu d’or il y avait une bande de perles où il était écrit : ALLEN. Et le premier a recevoir l’ordre fut le sire de La Tour, Messire Henry de Montaigu, fils de messire Gille Aicelin. Le second fut messire Guichard Dauphin ; le troisième messire Griffon de Montagu ; messire Hugues de Chastellus, sire de Chastelmorand ; le sire de Chastel de Montaigne ; le sire de La Palice, messire Guillaume de Vichi, sire de Busset ; messire Philippe de Serpens ; messire Lordin de Saligny ; le sire de Chantemerle ; messire Regnault de Basserne, sire de Champroux ; le sire de Veaulce ; le sire de Blot ; messire Guillaume de la Mothe ; messire de Fontenay, de la terre de Berry ; et plusieurs autres chevaliers qui reçurent l’ordre de l’Ecu d’Or. Et chacun d’entre tenait en grand honneur de le recevoir et non sans cause. Et en donnant cet ordre, le duc commença à dire à chacun : « Messeigneurs, cet ordre de l’Ecu d’Or que j’ai créé signifie beaucoup de choses honorables pour tous les chevaliers et les autres que je vous dirais après le service divin et après que nous ayons dîné, ainsi nous pourrons jurer et promettre tous ensemble… ».
  2.  PROST, t. I, article 888 (1368). 
  3.  BOULTON, The Knights, p. 271-274.
  4.  Hommages du comté de Clermont-en-Beauvaisis, Paris, BNF, Ms. Fr. 20082, fol. 171.
  5.  Paris, AN, Moulage DOUËT d’ARCQ n° 452
  6.  LA MURE, t. II, p. 47, note 1 par A. STEYERT.
  7.  The Aberdeen Bestiary, Aberdeen university library, Ms. 24, fol. 60, 60v° et 61, vers 1200 : « Once every three years the fleet of Solomon is sent across the sea to Tharsis. Solomon’s fleet is the virtue of confession. In this fleet we are transported across the sea of this world, that we might not be drowned in it. The fleet is sent to Tharsis, therefore, from where it is said to bring back gold, silver, elephants’ tusks, apes and peacocks. There is said to be gold and silver in Tharsis, that is, men eminent in their wisdom, skilled in their oratory. When they earnestly desire the joy of this world, they gain knowledge of themselves; and when they come with Solomon’s fleet to Jerusalem, there in the peace of the Church they become purer through confession. From this purest of gold, King Solomon made golden shields. The shields of gold are those who live chastely and defend others from the attacks of the Devil. In addition, from the silver mentioned above, silver trumpets were made, that is, the teachers of the Church
  8.  TROUBAT O., La Guerre de Cent ans et le prince chevalier, t. 1, p. 246.
  9.  La trilogie - colonne, écu et ceinture - correspond également aux trois attributs de la personnification de la Chasteté telle qu’elle se retrouve dans l’illustration des Triomphes de Pétrarque à la fin du siècle suivant. Voir par exemple une illustration plus tardive de ce thème dans le PETRARQUE, Les Triomphes, Paris, B.N., Ms. Fr. 594, folio 102r°.
  10.  Je remercie vivement Marc-Edouard Gautier, conservateur du fond ancien de la bibliothèque municipale d’Angers pour cette suggestion.
  11.  Boulton (BOULTON, The Knights, 1987, p. 272) précise que Favyn (FAVYN André, Le théâtre d’Honneur et de Chevalerie, Paris, 1620, t. I, p. 8 ), fait de cette devise et d’une autre utilisée par les ducs de Bourbon, le chardon, un ordre de chevalerie qui s’appelle Notre Dame de l’Espérance ou du Chardon, mais que Jean-Bernard de Vaivre a démontré qu’il n’y avait aucune certitude à ce sujet (VAIVRE J-B de, « un document inédit sur le décor héraldique de l'ancien hôtel de Bourbon à Paris », dans Archivum Heraldicum 1, 1972, p. 2 à 10).
  12.  LA MURE, t. II, p. 47, note 1 par A. STEYERT.

Bibliographie

Jean « Cabaret » d’Orville, Chronique du bon duc Loys de Bourbon, A-M CHAZAUD éd., Paris, 1897, p. 8.

Matteoni O. Servir le prince : les officiers des ducs de Bourbon à la fin du Moyen Age (1356-1523), Paris, 1998.

BOULTON d’A. J. D., The Knights in the Crown: The Monarchical Orders of Knighthood in Late Medieval Europe, 1326–1520, 2nde ed., St. Martin’s, 2000, p. 271-274.

HABLOT L., « La ceinture ESPERANCE et les devises des Bourbon », dans Espérance : le mécénat religieux des ducs de Bourbon à la fin du Moyen Age, PERROT F. dir., Souvigny, 2001, p. 91-103.

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