roue de sainte Catherine
Une roue de charette bordée de rasoirs (roue de saint Catherine) associée au mot SANS POINCT SORTIR HORS DE LORNIERE
- Date
- 1499
- Personnage
- Louis II de La Trémoille
- Famille
- La Trémoille
- Mots associés
- SANS POINCT SORTIR HORS DE LORNIERE, JE MARCHE DANS L ORNIERE
Comme l'a établi Laurent Vissière - dont nous reprenons ici largement les propos -[1], la première mention de cette roue remonte à l’entrée royale dans Milan de septembre 1499 où Louis II de La Trémoille arborait un pourpoint avec « des roues Ste Katherine à ung bort »[2]. En 1515 encore, pour l’entrée de François Ier à Paris, La Trémoille portait un vêtement « de drap d’or couvert de roues de toile d’or et les rasouers d’argent traict » [3].
Cette roue se retrouve sur ses étendards comme en atteste par exemple une miniature des Chroniques de Jean d’Auton, qui représente le siège de Novare en 1500 et figure, à la tête de l’armée française, un personnage portant une flamme de gueules à la roue d’or[4], enseigne qui se retrouve sur la tapisserie du siège de Dijon par les Suisses en 1513 sur laquelle Louis de La Trémoille, en habit de cour, est entouuré de trois hallebardiers portant sa livrée où, sur un fond bleu pâle, brille une grande roue d’or.
Ces emblèmes se retrouvent également dans les décors monumentaux commandités par ce prince : l’église Notre-Dame du château à Thouars, le portail de l’église de la Madeleine à Dijon, qu’il fit réédifier après 1513, les bossages des murailles de Dijon et de Beaune, sur sa tombe enfin, sculptée sur les pilastres qui soutenaient son gisant.
La signification de cette roue de sainte Catherine[5] s’avère comme souvent assez ambiguë. Elle revêtait sans aucun doute une signification religieuse et chevaleresque, en relation avec le culte voué par tous les chevaliers de la Chrétienté, les La Trémoille notamment, à la sainte d’Alexandrie. Mais son sens peut-être éclairé par le mot qui lui est parfois associé et qui a d'ailleurs connu quelques variantes. D’après une description ancienne de l’église de Thouars, on voyait sculptée sur la porte « une roue pour devise, sur laquelle est ecrit : Je marche dans l’orniere »[6]. La lecture qu'en donne Paolo Giovio, auteur d’un des premiers traités de devises (1559)[7], fige en quelque sorte le sens de l'emblème quelques décennies après la mort de son utilisateur : « Monseigneur de La Trémoille [...] utilisa comme devise une roue avec ce mot : Sans point sortir hors de l’orniere, pour signifier qu’il marchait par droit chemin au service de son roi, sans se laisser dévier par aucun intérêt »[8]. Pour Laurent Vissière, Louis II donna clairement un sens particulier à cette dévotion familiale : l’ornière était tout aussi bien celle de la Foi que celle du Bien public.
Cette subtilité fut d’ailleurs rapidement oubliée, comme le prouvent les réflexions d’Elie Brackenhoffer, qui visita Thouars au début des années 1640. Le voyageur se fit expliquer la signification de cette roue par le concierge du château : « On voyait partout la devise du chevalier sans reproche, à savoir une roue avec des rasoirs, ce qui veut dire qu’il a tout taillé en pièces en toute hâte, comme tourne une roue, sans aucun reproche »[9].
Si la roue constitue une devise, attestée durant vingt-cinq ans au moins, La Trémoille utilisa aussi des devises de circonstance. D’après un rapport adressé à Venise, lors de la reconquête du Milanais en mars 1500, il arborait ainsi un étendard portant une épée sanglante, une torche et un fouet[10]. Le texte vengeur, qui pouvait accompagner cette image saisissante, ne nous a pas été transmis. Sans donner de contexte ni reproduire de dessin, les frères de Sainte-Marthe citent encore comme devise de Louis II un feu brûlant dans un marais avec pour légende : « Ardet in hostes »[11].
ILLUSTRATIONS
Frontispice du Panegyric de Jean Bouchet, Le Panegyric du chevallier sans reproche, Poitiers, 1527 (cl. BNF).
Loggia de la collégiale de Thouars (cl. L. Vissière).
Chapelle du château de Thouars
Notes
- ↑ VISSIERE L., "Les signes et le visage. Étude sur les représentations de Louis II de la Trémoille", Journal des savants, 2009, n°2. p. 211-282. DOI : https://doi.org/10.3406/jds.2009.5897www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_2009_num_2_1_5897
- ↑ Journal de Louis de La Trémoille (1 AP 1377).
- ↑ Théodore Godefroy, Le cérémonial françois, éd. D. Godefroy, Paris, 1649, 2 vol., t. I, p. 271.
- ↑ Paris, BNF, F. Fr. 5091, fol. 49r.
- ↑ undefined
- ↑ Paris, BNF, Cabinet des Titres, Pièces originales 2879 (La Trémoille), no 322-323.
- ↑ Paolo Giovio, Dialogo dell’imprese militari e amorose..., Lyon, 1559, p. 83
- ↑ « Monsignor della Tramoglia [...] usò per impresa una ruota, con questo motto : Sans point sortir hors de l’orniere, per significar ch’egli caminava per camin dritto nel servir il suo re, senza lasciarsi deviare da alcuno interesse » (Paolo Giovio, Dialogo dell’imprese militari e amorose, éd. M.L. Doglio, Rome, 1978, p. 102). L’ouvrage, achevé en 1551, a été publié pour la première fois à Rome, en 1555 (texte reproduit par M. L. Doglio)
- ↑ Elie Brackenhoffer, Voyage en France (1643-1644), trad. H. Lehr, Paris, 1925, p. 239.
- ↑ « Da Bergamo, di sier Hironimo Orio e sier Francesco Baxadona, rectori, de 31 [mars] : [...] Monsignor di La Trimolia passò Verzeli con 8 000 cavali et .XI. milia fanti, e uno stendardo con una spada sanguinosa pynta suso col focho, et una scova » (Marino Sanuto, I Diarii dal 1496 al 1532, éd. F. Stefani et alii, Venise, 1879-1903, 58 vol., t. III, col. 189)
- ↑ Sainte-Marthe, Histoire généalogique... (manuscrit), op. cit., livre V.
Bibliographie
VISSIERE L., "Les signes et le visage. Étude sur les représentations de Louis II de la Trémoille", Journal des savants, 2009, n°2. p. 211-282. DOI : https://doi.org/10.3406/jds.2009.5897www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_2009_num_2_1_5897
VISSIERE L. (dir), 1513, l'année terrible : le siège de Dijon, Paris, 2013.
VISSIERE L., «Dialogue des devises et devises en dialogue à l’occasion des premières Guerres d’Italie », Signes et couleurs des identités politiques du Moyen Âge à nos jours, Actes du colloque de Poitiers (14-16 juin 2007), dir. L. Hablot et M. Aurell, Rennes, 2008, p. 421-435