Nœud
Un noeud “en huit” ou lac d’amour souvent associé au mot FERT
- Période
- 1350-1390
- Aires géographiques
- Savoie
- Personnage
- Amédée VI de Savoie
- Famille
- Savoie
- Devises associées
- Nœud
- Mots associés
- FERT
- Couleurs associées
- vert
Le collier de l’ordre du Collier de Savoie composé d’un pendant à la devise du nœud et associé au mot FERT. Charte de fondation d’une messe dans la cathédrale de Notre-Dame de Lausanne, dans la chapelle de la Vierge, par le comte Amédée VI (29 janvier 1382, La-Tour-de-Peilz. Archivio di Stato di Torino, Arcivescovadi e vescovadi stranieri, Vescovado di Losanna, m. 1, fasc. 5).
Un nœud « en huit » ou « lac d’amour », le plus souvent associé au mot FERT
Le nœud, connu à partir de 1354 devient, accompagné du mot Fert, attesté à partir de 1382[1], la devise dynastique de la maison de Savoie et l’emblème de l’ordre du Collier fondé en 1364.
C’est semble-t-il à l’occasion d’une joute à Chambéry à Noël 1354 qu’apparaît pour la première fois la devise du noeud[2]. Les comptes savoyards mentionnent un paiement effectué au peintre chargé d’orner la selle de joute d’Amédée VI de sa devise au lac d’amour : « pro magna sella… pintada… ad laqueos devise domini »[3], de nouveau mentionnée sous le terme de « nœud » sur un équipement de joutes en 1356 : « nodis ad devisam Domini »[4]. Mais il faut attendre 1374 pour la voir figurée pour la première fois sur le sceau ducal[5].
Il est pourtant possible que le nœud ait été adopté dès 1352. En effet, cette année là, Amédée VI est adoubé sur le champ de bataille et, pour fêter sa victoire, célèbre, à Noël, à Bourg-en-Bresse, une série de magnifiques tournois. Il y apparaît pour la première fois vêtu de vert ainsi que douze chevaliers de son camp, tous tenus par une corde verte par autant de dames[6]. Il se pourrait que cette corde verte soit à l’origine du nœud adopté par Amédée comme devise personnelle, puis plus tard comme emblème de livrée. C’est en tous cas à partir de cette date que le vert devint la couleur emblématique du comte.
Comme l’a précisé Laurent Ripart, à l’occasion d’un vœu de croisade formulé en Avignon en 1364 – et non lors de sa guerre contre le marquis de Saluces en 1362 comme on l’a longtemps prétendu -, en préparation de son expédition contre les Turcs opérée en 1366-67, le comte fonde une société chevaleresque réunissant les quatorze principaux capitaines de son armée et les dote de colliers à sa devise – le nœud et peut-être déjà le mot FERT - qu’il fait précisément réaliser dans la capitale pontificale[7]. Après un long silence des sources au sujet de l’ordre entre 1366 et 1382, il de nouveau mentionné en 1382, notamment sur ce célèbre acte de fondation sur lequel le collier, avec la série de nœud en pendant, est associé au mot FERT, aux armes et au nom SAVOYE tandis que les sources font référence, en 1383, à une chambre de tapisserie ornée du collier[8] et qu’un collier de l’ordre est sculpté une statue de chevalier exposée dans la cathédrale de Lausanne[9].
La signification du nœud employé probablement seul (sans le mot FERT) entre 1354 et 1364, est inconnue. Elle se rattache peut-être au fond commun du lac d’amour utilisé comme symbole des liens amoureux qui unissent les époux, Amédée et sa femme. Ce ne serait qu’après l’institution du collier de l’ordre que cette devise changerait de sens pour évoquer, plutôt que les liens qui unissent le duc à son épouse, ceux qui unissent les chevaliers de l’ordre au maître. On peut encore y retrouver une allusion à saint François, Amédée VI étant particulièrement proche des Franciscains de Lausanne[10], même si c’est une fondation de Chartreux, la Pierre-Châtel, dont les prières protègent les membres de l’ordre[11]. Enfin le nœud est l’emblème par excellence du vœu et se retrouve à ce titre fréquemment utilisé dans les devises d’emprises ou d’ordre (cf. l’ordre du Nœud fondé à Naples en 1352 par Louis de Tarente et qui a pu influencer directement la devise savoyarde)
Apparemment utilisé exclusivement dans le contexte de l’ordre du Collier, le mot FERT serait le présent de l’indicatif du verbe ferre à la troisième personne du singulier, c’est-à-dire il (le chevalier) porte (le collier). Mais ce mot peut aussi désigner l’action du chevalier sur le nœud : il tient, ou encore son action au combat : il porte (un coup). Citons pour mémoire une autre hypothèse, aujourd’hui abandonnée, qui a longtemps prévalue pour l’interprétation de ce mot Fert et qui voulait qu’il signifie : Fortitudo Ejus Rhodum Tenuit « son courage a sauvé Rhodes »[12].
Notons encore que la figure du collier – une forte courroie de cuir ou d’étoffe terminée par deux bouterolles unies par un pendant - constitue en soi une devise, utilisée comme telle par le prince et les membres de l’ordre comme le confirme la « chambre aux colliers » citée plus haut. La même pratique s’observe d’ailleurs avec d’autres devises d’ordres portées en collier à cette période comme la Jarretière, le SS Collar, la Ceinture ESPERANCE ou encore l’ordre sicilien de la Courroie. Ces premiers insignes d’ordres princiers adoptent ce nouveau support de la ceinture de cuir ou d’étoffe portée au cou et qui renvoie directement aux colliers imposés aux animaux domestiques de prestige : chiens, cygnes ou faucons. On comprend la nature inhabituelle de ce signe qui n’a pas manqué de surprendre les contemporains et distinguait ouvertement les membres des dits ordres dont la nature varie d’ailleurs en fonctions des besoins du prince : simples devises, livrées de cour, insignes de société chevaleresque ou emblème exclusif d’un ordre institué.
Notes
- ↑ Gentile, Processi di rappresentazione del potere, p. 246
- ↑ VADON, « Les Heures du duc Louis de Savoie ».
- ↑ Cibrario et Promis, Sigilli de’ principi di Savoia , Torino, 1834, p. 63.
- ↑ Rosie A., Ritual, Chivalry and Pageantry, the Counts of Anjou, Orléans and Savoy, in the Latter Middle Age , PhD University of Edimburgh, 1989, p. 247.
- ↑ Gentile, Processi di rappresentazione del potere, p. 245.
- ↑ « Au son des trompettes qui annonçaient l’arrivée des combattants, le comte fit son entrée, le premier de tous, magnifique dans ses vêtements de soie et de velours verts, sous son armure. Au cimier de son heaume d’argent flottait une plume couleur émeraude, et il chevauchait un superbe coursier richement caparaçonné des couleurs vert et argent. Douze des chevaliers les plus nobles chevauchaient derrière lui, tous vêtus de vert également. Ils furent menés dans l’arène par de belles dames qui tenaient, chacune, son champion captif au moyen d’une longue corde verte attachée à la bride de son cheval. Puis les demoiselles, elles aussi de vert vêtues, libérèrent leurs chevaliers et le tournoi commença. Quand prirent fin les joutes de la journée, les dames descendirent à nouveau dans l’arène, pour « recapturer » leurs champions et les mener au château... » cité dans COX, The Green Count of Savoy, p. 98-99.
- ↑ Un item des comptes de l’Hôtel du 16 février 1364 enregistre pour 282 florins de bon poids le paiement à un orfèvre avignonnais de quindecim colariis argenti deaurati factis ad devisam Domini (cité pour la première fois par Giuseppe Vernazza de Freney, Vita di Gianbattista di Savoia, principe del sangue , Torino, 1813 (Memorie della accademia delle scienze di Torino , serie 1a , 21), p. 469). Cité par RIPART, « Du Cygne noir au Collier de Savoie », note 24.
- ↑ En mai 1383, l’administration savoyarde assurait le transport de « la chambre des collars et tapicerie de monseigneur [Amédée VII] qu’il ha appourté de Rivoly a Chambéry », Archivio di Stato di Torino, Sezioni riunite, cam. Savoia , inv. 35, f° 64, cité dans RIPART, « Du Cygne Noir au Collier de Savoie », note 39.
- ↑ Muratore, « Les origines de l’ordre du Collier », p. 76, fig. 61 et 62.
- ↑ Cette communauté fait partie des légataires testamentaires d’Amédée VI comme le rapporte Muratore, « Les origines de l’ordre du Collier », p. 76.
- ↑ Sur cet ordre et son fonctionnement voir BOULTON, The Knights, p. 249-270.
- ↑ CHEFDEBIEN et HUMBERT, 1997.
Bibliographie
BOULTON D., The knights of the Crown, the Monarchical Orders of Knighthood in Later Medieval Europe 1325-1520, Woodbridge, 1987, rééd. corrigée 2000.
ANDENMATTEN B., PARAVICINI BAGLIANI A., VADON A. dir., Héraldique et emblématique de la maison de Savoie (XIe-XVIe s.), Lausanne, 1994.
CHIFFOLEAU J., « L’emblématique entre le jeu et l’obsession », Héraldique et emblématique de la maison de Savoie (XIVe-XVe s.), Lausanne, 1994, p. 207-221.
PASTOUREAU M., « L'emblématique princière à la fin du Moyen Age, essai de lexique et de typologie », Héraldique et emblématique de la maison de Savoie (XIe-XVe s.), Lausanne, 1994, p. 11-43.
MURATORE V., « Les origines de l’ordre du Collier de Savoie dit de l’Annonciade », AHS, 1909, p. 5-12 et 59-66, 1910, p. 72-88.
VADON Annick, « Les Heures du duc Louis de Savoie (1413-1465), Héraldique, emblématique et datation », Héraldique et emblématique de la Maison de Savoie, Lausanne, 1994.
Cox E. V., The Green Count of Savoy, Princeton, 1967.
Gentile L., Processi di rappresentazione del potere principesco in area
subalpina, XIII-XVI secolo, riti ed emblemi, Torino-Chambéry, 2003.