filet de pêche
Un filet de pêche
- Période
- 1470-1530
- Aires géographiques
- Portugal
- Personnage
- Eléonore de Portugal
- Famille
- Portugal
- Devises associées
- filet de pêche
- Mots associés
- PRECIOSOR EST CUMCTIS OPIBUS
- Couleurs associées
- bleu/rouge
La devise du filet de pêche de la reine Eléonore figurée sur une clef de voûte des chapelles inachevées du monastère de Batalha
Un filet de pêche
Cette emblématique semble, selon Henrique de Avelar, une allusion à une citation des Proverbes et de l’Evangile de saint Matthieu relatifs au filet de pêche comme allégorie du Royaume de Cieux[1]. L’analyse de Miguel de Seixas confirme cette interprétation[2]. Plusieurs représentations de cette devise se retrouvent d’ailleurs dans un contexte religieux, ce qui valide cette lecture : outre les nombreuses pierres armoriées du monastère de la Mère-de-Dieu, on retrouve la devise de Leonor sur les fonts baptismaux de ce même lieu. La devise apparaît encore dans le décor de son livre d’heures, figurée sur le drap qui orne son prie-Dieu, sur les dalmatiques offertes par la reine à l’église de Notre-Dame-du-Peuple, ou encore sur le magnifique reliquaire ayant appartenu à la reine[3]. Cette devise figure également sur le pilori d’Óbidos, ville dont la juridiction appartenait à Leonor épouse de Jean II[4].
Cette devise entretient peut-être un rapport avec la devise du père d’Eléonore de Portugal, Ferdinand de Portugal, duc de Viseu : une bouée. Le filet de pêche est lui aussi lié au thème de la mer. Mais, en suivant Miguel de Seixas, on saisit toute la portée de cette devise en la rattachant à celles du pélican et du palmier portées par le roi Jean II[5]. Ensemble, elles forment une sorte de phrase emblématique : c’est seulement par l’imitation du Christ que le Juste peut atteindre le Salut et accéder au Royaume des Cieux[6].
La reine devait d’ailleurs apprécier particulièrement cet univers de correspondances symboliques, si caractéristique de son époque et de son milieu : elle commanda l’édition du Boosco Deleitoso, œuvre allégorique proche du courant de la devotio moderna, où « il est curieux d’observer comme les attributs de justice et de gouvernement, dans le sens plus large de ces expressions, nous apparaissent associés a presque toutes les vertus »[7]. Cette complémentarité des devises du couple royal permet de comprendre la fréquence de leur représentation conjointe, surtout dans l’église de la Mère-de-Dieu, où la reine-veuve se cloîtra pour chercher elle-aussi son salut personnel. Ce fut pour cette même église que la reine commanda les superbes médaillons Della Robbia qui, à l’origine, comprenaient la représentation des armoiries royales aussi bien que des devises du couple ; le tabernacle lui-même présentait un pélican, simultanément image du Christ et de l’eucharistie, bien sûr, mais aussi répétition de l’emblème du roi, déjà présent sur la façade de l’église et les parois du cloître. L’image symbolique du roi se greffait ainsi sur le lieu de la transsubstantiation divine : quelle meilleure façon d’exposer l’idée que le roi, en sa condition conjointe de corps charnel et corps mystique, se rapprochait du Christ, lui-même modèle suprême de telle double corporéité ?
Le pilori d’Obidos chargé de la devise du filet de la reine D. Leonor
Notes
- ↑ Tiré des proverbes, chap. III, v. 15. Et Matt, c. XIII, v. 47, d’après Avelar H. de et Ferros L. , « As Empresas dos Príncipes da Casa de Avis », Os Descobrimentos Portugueses e a Europa do Renascimento. «O Homem e a Hora são um só». A Dinastia de Avis, Lisbonne, Presidência do Conselho de Ministros, 1983, p. 230.
- ↑ Ibid.
- ↑ Ce reliquaire de la reine Leonor condense le message christologique des devises et armoiries royales : en syntonie avec les références allégoriques du Boosco Deleitoso, le reliquaire s’érige comme une cité d’or et de pierreries, image de la Jérusalem céleste ornée de deux exemplaires de la devise du filet de pêche ; au centre, une épine est surmontée d’une couronne royale, puis d’un morceau de la Sainte-Croix, puis, au sommet, de l’écu parti aux doubles armoiries de Portugal, insigne de l’union dynastique représentée par le couple Jean II – Leonor (Seixas).
- ↑ Sur ce pilori, une couronne encercle le haut de la colonne et surmonte d’un côté les armes de Portugal et de l’autre la devise de la reine : façon subtile de signaler que, même si le couple était lié par l’intimité du sacrement du mariage et partageait la dignité royale, le pouvoir judiciaire appartenait génériquement et en permanence au roi (les armoiries étant l’emblème stabilisé de la monarchie), et dans ce cas spécifique et à titre temporaire à cette reine-là (la devise étant l’emblème personnel de Leonor), Ibid.,
- ↑ METELO de SEIXAS M., « Art et héraldique au service de la représentation du pouvoir sous Jean II de Portugal (1481- 1495) », Actes du colloque de Pise-Florence, Arme segreta, dir. M. Donato et alii, à paraître.
- ↑ Une explication apocryphe a plus tard été greffée sur la devise de la reine Leonor, considérée comme une allusion à la mort tragique de son fils unique, le prince Alphonse. Cette légende, imprégnée d’éléments pathétiques, connut un succès remarquable, surtout au XIXe siècle.
- ↑ Azevedo F. de SIMAS ALVES de, « Achegas para o estudo dos vestuários simbólicos das virtudes no «Boosco Deleitoso». Seu presumível parentesco com a heráldica quatrocentista portuguesa », Armas e Troféus, II série, tome II, 1961, p. 301.
Bibliographie
Avelar H. de et Ferros L. , « As Empresas dos Príncipes da Casa de Avis », Os Descobrimentos Portugueses e a Europa do Renascimento. «O Homem e a Hora são um só». A Dinastia de Avis, Lisbonne, Presidência do Conselho de Ministros, 1983, p. 227-245.
METELO de Seixas M. etGalvão-Telles J. B., « As insígnias do pelourinho de Óbidos. Subsídios para a compreensão da emblemática da rainha D. Leonor », Varela A. éd., Casa Perfeitíssima. 500 Anos da fundação do Mosteiro da Madre de Deus, Lisbonne, Museu Nacional do Azulejo, 2009, p. 23-38.
METELO de SEIXAS M., « Art et héraldique au service de la représentation du pouvoir sous Jean II de Portugal (1481- 1495) », Actes du colloque de Pise-Florence, Arme segreta, dir. M. Donato et alii, à paraître.
METELO deSeixas M., « As armas e a empresa do rei D. João II. Subsídios para o estudo da heráldica e da emblemática nas artes decorativas portuguesas », Mayer Godinho Mendonça I. et Correia A. P. éd., As Artes Decorativas e a Expansão Portuguesa. Imaginário e Viagem. Lisbonne, Fundação Ricardo Espírito Santo Silva / Centro Cultural e Científico de Macau / Escola Superior de Artes Decorativas, 2010, p. 46-82.