devise

emblématique et héraldique à la fin du Moyen Âge

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hermine

Une hermine au naturel, colletée et souvent associée au mot A MA VIE

Période
1380-1400
Aires géographiques
France-Bretagne
Personnage
Jean IV de Bretagne
Famille
Montfort
Devises associées
hermine
Mots associés
A MA VIE
Couleurs associées
blanc/noir

La devise de l’hermine au naturel mantelée d’une cape d’hermine héraldique, signet de Jean IV en 1385

Une hermine au naturel, colletée et souvent associée au mot A MA VIE (1381 †1399)

Cette devise et ce mot sont à mettre en relation avec l’ordre de l’Hermine, fondé en 1381. Mais Jean IV, comme ses successeurs, utilise aussi cette devise et ce mot dans son emblématique personnelle hors du contexte de l’ordre.

 L’hermine est une figuration inspirée par les armes du duché d’hermine plain adoptées par Jean III en 1316 à la place des armes de Dreux brisées du canton d’hermine. Jean IV remplace ses propres armes d’hermine à la bordure de gueules semée de léopard d’or, par l’hermine plain en 1365, un an après la victoire d’Auray[1]. L’hermine apparaît pour la première fois en 1381 dans le collier de l’ordre du même nom. Il semblerait, selon Michael Jones, que Jean IV eut l’inspiration de la fondation de son ordre après un exil en Angleterre entre 1373 et 1379, étant lui même le premier prince étranger à recevoir l’ordre de la Jarretière fondé par Edouard III en 1349. Cet ordre de l’Hermine est fondé à l’occasion du retour triomphal du duc dans son duché d’où il avait été chassé par ses barons critiquant son anglophilie. Devant les velléités de Charles V d’annexer le duché, les partis bretons adverses se rassemblent dans une véritable « union sacrée » et rappellent Jean IV. Dans ce contexte, l’hermine symboliserait l’attachement du duc à son duché, figuré ici par l’animal emblème évoquant les armes de Bretagne adoptées par Jean III (1312 †1341), duché auquel il consacre sa vie comme le laisse entendre son mot A MA VIE.

 L’apparition de la devise du duc et de son mot sont connus par le compte rendu de Guillaume de Saint-André, secrétaire et biographe du duc. Ce dernier relate, le 22 juin 1381, la réunion des Etats à Nantes durant laquelle Jean IV prépare son expédition à la cour de France où il doit se rendre pour l’hommage au jeune Charles VI. « Il fist assembler les prelaz, abbez et clercs de touz estatz, barons, chevaliers, escuiers qui lors portoint nouveaulx coliers de moult bel port, de belle guise, et estoint nouvelle devise de doux roletz bruniz et beaux couplez ensemble de doux fermaulx et au dessouz estoit l’ermine en figure et en coleur fine ; en deux cedules avoit escript : A ma vie, comme j’ay dit ; l’un molt est blanc et l’autre noir, il est certain, tien le pour voir »[2]. Le but du duc Jean II est clairement indiqué par les circonstances de la création de sa devise qui, portée par ses barons, chevaliers et écuyers, allait montrer à la cour de Charles VI l’attachement des nobles bretons à leur duc. M. Lightbown souligne que le collier de l’ordre de l’Hermine est un des premiers colliers métalliques connu sur le Continent. Il insiste sur le rôle probable joué par le contingent anglais dirigé par Jean de Gand, envoyé pour soutenir Jean IV et dont certains membres portaient sans doute déjà le collier aux SS de la maison de Lancastre (voir cette devise)[3]. Je présente ici la reconstitution supposée de ce collier donnée par M. Boulton[4].

Cette hermine au naturel apparaît sur les signets de Jean IV en 1385 et 1387 où elle est mantelée d’hermine mais également sur ses monnaies[5]. On la retrouve chevauchant la housse du  cheval ducal sur le sceau équestre de 1398[6]. C’est plus tard seulement que Jean IV utilisera les hermines comme supports à ses armes sur ses deux sceaux de majesté et leurs contre-sceaux. A la suite de la fondation de la chapelle de l’ordre, Saint-Michel-aux-Champs, en février 1382, en souvenir de la bataille d’Auray gagnée le jour de la Saint-Michel 1364, Jean IV fait édifier à Vannes le Château de l’Hermine qui devint sa principale résidence[7].

 Le mot A MA VIE apparaît en même temps que la devise et sur les mêmes sources[8]. Il peut être une allusion au fait que le duc consacre sa vie à son duché, sens qui semble indiqué par l’association hermine/mot. Il peut aussi s’agir du dévouement « à vie » envers le duc auquel s’engagent les chevaliers de l’ordre, l’hermine symbolisant alors non pas tant la Bretagne que son duc.

Double denier à l’hermine de Jean IV

Grand sceau équestre de Jean IV avec sa devise de l’hermine appendu à un document daté de 1398 (Paris, A. N., coll. des sceaux,  S. 8150).

Notes

  1.  Sur ces armoiries et l’emblématique des Monfort, voir MERINDOL Christian de, « Essai sur l’emblématique et la thématique de la maison de Bretagne. Mise au point, nouvelles lectures, nouvelles perspectives », dans 1491. La Bretagne, terre d’Europe, Brest, 2-4 octobre 1991, Brest-Quimper, 1992, p. 265-294 et PASTOUREAU Michel, « L’hermine : de l’héraldique ducale à la symbolique de l’Etat », dans 1491. La Bretagne, terre d’Europe, Brest, 2-4 octobre 1991, Brest-Quimper, 1992, p. 253-264.
  2.  JONES M., « Les signes du pouvoir. L’ordre de l’Hermine, les devises et les hérauts des ducs de Bretagne au XVe siècle », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. LXVIII, 1991, p. 141-173.
  3.  LIGHTBOWN R. W., Medieval European Jewellery, Londres, 1992, p ; 245 et suiv.
  4.  BOULTON D., The knights of the Crown, the Monarchical Orders of Knighthood in Later Medieval Europe 1325-1520, Woodbridge, 1987, réd. corrigée 2000, p. 277, fig. 9. 2 a.
  5.  Voir à ce sujet l’article à paraître de Gildas Salaün dans Héraldique et numistatique III.
  6.  S. 8150.
  7.  BOULTON, The Knights, p. 276.
  8.  Haut-relief en pierre de kersanton, Basilique Notre-Dame du Folgoët (Finistère), seconde moitié du XVe siècle, et sceau utilisé de 1385 à 1387 avec hermine tenant une banderole sur laquelle se trouve son mot : A ma vie.

Bibliographie

MERINDOL C. de, « Essai sur l’emblématique et la thématique de la maison de Bretagne. Mise au point, nouvelles lectures, nouvelles perspectives », dans 1491. La Bretagne, terre d’Europe, Brest, 2-4 octobre 1991, Brest-Quimper, 1992, p. 265-294

PASTOUREAU M., « L’hermine : de l’héraldique ducale à la symbolique de l’Etat », dans 1491. La Bretagne, terre d’Europe, Brest, 2-4 octobre 1991, Brest-Quimper, 1992, p. 253-264.

HABLOT L., « La croix noire des Bretons, origines et fonctions d’un signe d’identité politique hier et aujourd’hui », Actes du colloque Signes et couleurs des identités politiques du Moyen Age à nos jours, dir. M. Aurell et alii, Rennes, 2008, p. 57-70.

JONES M., Ducal Brittany, 1364-1399. Relations with England and France during the reign of Duke John IV, Oxford University Press, 1970. Traduction française de Nicole Genet et Jean-Philippe Genet : La Bretagne ducale. Jean IV de Montfort (1364-1399) entre la France et l'Angleterre, Presses universitaires de Rennes (PUR), collection « Histoire », 1998.

JONES M., « Les signes du pouvoir. L’ordre de l’Hermine, les devises et les hérauts des ducs de Bretagne au XVe siècle », Mémoires de la Société d’histoire et d’archéologie de Bretagne, t. LXVIII, 1991, p. 141-173.

JONES M., « L’image du duc de Bretagne », Représentation, pouvoir et royauté, Paris, 1997, p. 271 et suiv.

LEFORT des YLOUSES Emile, « Les ducs de Bretagne et le sceau de majesté », RFHS, t. 65 (1995), p. 69-80.

Autre devise pour Jean IV de Bretagne

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